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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


La fin des dinosaures ... 2017/ 3 Que veut dire ce mot Barousse ? et Prosper Noguès

Publié par Jackie Mansas sur 28 Juin 2017, 14:40pm

Catégories : #Culture et société pyénéennes

La fin des dinosaures ... 2017/ 3    Que veut dire ce mot Barousse ? et Prosper Noguès

Qui étaient ces trois hommes issus du milieu rural et paysan, toutefois assez aisé - parents commerçants - qui,  nés en Barousse, ont réussi à avoir un destin national ?

Prosper Noguès, Gaston Manent et François Fortassin.

 

Tous trois ont œuvré passionnément pour leur canton et leur département, mais comme le calendrier avançait dans le temps planétaire, ils n'ont pas réussi  à agir en sorte que leur vallée natale garde sa vivacité et son esprit entreprenant du 19ème siècle. En l'espace d'un demi-siècle - 1970-2000 - cette vallée - on n'était pas conseiller général du canton de Mauléon-Barousse mais de la Vallée de Barousse - a décliné mais a gardé son authenticité si ce n'était l'urbanisation de certains villages qui a fait disparaître parfois leur particularité montagnarde.  

Mais dans l'ensemble, cette vallée est un petit bijou "d'autrefois" qui devrait être reconnu. Il faut reconnaître à ses élus, un authentique talent pour préserver l'âme de leur terroir.

 Voulez-vous me suivre dans le temps du passé pour connaître ce "cocon de nature et de paysages aux roches découpées comme par des géants" au travers de son nom si bizarre ? Cela avant de connaître la biographie de ces trois "grands élus" ?

 

On y va....

 

Etre élu de la Vallée de la Barousse plutôt que du canton de Mauléon-Barousse, n'est pas si incongru que cela, Barousse signifiant Val de l'Ousse, la vallée des eaux. L'eau est omniprésente en ces lieux enchanteurs. Cela donne une connotation écologique à l'une des fonctions les plus décriées de la société depuis quelques années. Il ne fait pas bon en France, de vouloir embrasser une carrière dans le monde politique déconsidéré, montré du doigt, rejeté.

 

Ousse signifie eau dans toutes les Pyrénées.

 

Lorsque le nom latin "ursae" apparaît au 13ème siècle, il s'agit de celui de l'animal femelle "ourse". Il disparaît au 15ème pour prendre la forme Barrosae.... : le gascon adossé au latin  : bar et rosaé, le r entre deux voyelles étant doublé pour être prononcé fort comme en espagnol !

 

En Gascon, Barousse s'écrit Barossa : bar et ossa (ousse). Il s'agit de la forme la plus ancienne trouvée dans la Charte de Sarrancolin en 1029, ensuite  c'est en latin Vallis Ursae (vallée ourse) en 1214,  (Cartulaire du Comminges.), en 1235 (charte de Bonnefoi), en 1306 dans le Bref de Clément VI, Barrosae en 1473 (Montlézun VI 322), Barossa en 1637 (Oihen, Not. Vasc), Vallée d'Ourse en 1688 dans le terrier.

 

En 1254, elle est appelée Valle Ursà dans le Cartulaire de Comminges et son chef-lieu est Vallis Caprariae (Valcabrère) puis en 1300, Mauléon lui succéde.

 

En 1389, Siradan et Bertren n'appartenaient pas à la Barousse mais aux Frontignes.  Siradan était encore posé sur les hauteurs du Mayrou face à la plaine et tenait une position militaire, quelques maisons néanmoins, peut-être un moulin, étaient apparues le long du Gert et du Gouhouroun qui ne coulait pas du tout selon le lit actuel (artificiel) mais contournait le mont pour se jeter dans la Garonne au niveau de l'ancien port de Saléchan. 

 

Bertren pouvait ne pas exister à cette date, en tant que paroisse tellement il était petit, confiné dans ce qui est le village central actuel avec seulement les plateaux du Vignaou, de la Bielle et de Suberbielle, comme terrains cultivables ; mais il tenait toujours sa position de fort militaire sur la voie romaine menant de Lugdunum Convenarum à Passus Lupi et aux thermes Onesii. 

En 1750, il n'avait que 22 feux groupés autour de son castet à l'intérieur des murs d'enceinte, soit une population de 40 à 50 habitants... On peut imaginer qu'au Moyen-Age, le village n'avait pas plus de 3 à 4 familles, (feux), soit peut-être dans les bonnes périodes, une quinzaine d'habitants.

 

Que veut dire Barousse ? Il est inutile d'aller chercher des explications compliquées, il suffit de consulter les ouvrages sur la prononciation des mots gascons et on trouve logiquement la réponse. Il faut savoir que jusqu'à la fin du Moyen-Age, la vallée était très peu peuplée, peut-être 500 habitants, 1000/1500 en période faste ! Donc toutes les paroisses étaient petites, environ pour les plus grandes, une centaine de "feux".

 

Le préfixe bar n'est rien d'autre que la forme gasconne de val, le v se prononçant b. Mais dans le gascon "vallée" se prononce bàt, bàth, batch, bal, balée. Et en latin, la vallée se dit "vallis"....

 

Le langage courant a toujours transformé plus ou moins selon les endroits, plus en montagne qu'en plaine, le V en B et le r final ne se prononce pas. On l'entend plus couramment énoncé comme th, donc bar peut être entendu bàth ou batch mais on l'écrit bar. Par contre au milieu d'un mot entre deux voyelles, le r se retrouve roulé faible comme en espagnol.

 

On ne peut pas être sûr d'une quelconque étymologie à 100% car les clercs qui écrivaient les chartes et autres documents étaient de parfaits latinistes et traduisaient dans les textes en français, le gascon parlé. Donc chacun écrivait comme il l'entendait.

Aucun n'était vraiment certain de ce qu'il entendait et s'il ne maîtrisait pas parfaitement la langue des paysans et autres "nobles" ruraux, il écrivait comme il avait compris.

 

Et de ce fait nous constatons que de "vallée des eaux" "val des eaux" - barossa - est devenue la vallée du chanvre ou des roses (latin rosae) - barrosae - mais auparavant elle était appelée "vallis ursae" "vallée des ourses". Elle redevient la "vallée des eaux" au 17ème et soudain à la fin de ce siècle  "vallée de l'Ourse". En français, pour traduire "Barossa", car le clerc rédacteur ne devait sûrement pas comprendre le gascon autochtone - qui variait d'une contrée à l'autre - et avait un traducteur local.

 

Le nom primitif de la rivière était Ousse (eaux), transformée en Ourse au fil du temps, il est vrai que ses crues étaient effrayantes et pouvaient rappeler les grognements de l'animal, mais aussi, il faut préciser pour être juste, que ce grand et magnifique "sauvage" occupait en grand nombre les massifs pyrénéens et était fortement amateur de poissons, donc un concurrent.... Il suffisait au clerc de tomber sur un traducteur imaginatif....

 

Nous pouvons conclure sans être toutefois certain à 100% de notre analyse, que Barousse est le nom définitif adopté à la fin du 18ème siècle pour désigner une belle et profonde vallée sauvage, très peuplée et dont les habitants étaient pauvres d'accord, rugueux, bruts de décoffrage, têtus, fiers mais profondément unis.

 

Barousse veut donc dire : la vallée de la rivière ourse mais littéralement il est "la vallée des eaux" : la vallée de l'ousse. 

 

A présent que nous avons pénétré (un petit saut) dans ce "païs", intéressons-nous aux trois élus d'importance nationale qui lui ont donné leur carrière et leur savoir. Car figurez-vous, de tout temps, que les baroussais ont été de fervents adeptes de la politique et surtout de très tôt dans le temps, du radical socialisme. Majoritaire.

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Louis Prosper Noguès

 

Parti Radical-Socialiste.

1858-1945

 

Enseignant puis avoué, conseiller général du canton de Mauléon-Barousse, président du Conseil Général des Hautes-Pyrénées, maire de Loures-Barousse puis de Bagnères-de-Bigorre, député et sénateur des Hautes-Pyrénées. Fait chevalier de la légion d'honneur en 1921.

 

La fin des dinosaures ... 2017/ 3    Que veut dire ce mot Barousse ? et Prosper Noguès

Nous sommes le 3 mars 1858 dans le quartier de Sourtaou à Mauléon-Barousse, dans la maison familiale des Noguès - sobriquet Pasticien - des commerçants. Jeanne-Laurence Noguès, 29 ans, couturière de son état, vient de mettre au monde un fils qu'elle prénommera Louis Prosper. Elle devient donc ce jour, une fille-mère car l'enfant déclaré par son oncle le boucher Baptiste Noguès, est dit né de père inconnu. Il va grandir dans ce milieu privilégié où l'argent ne manque pas car la ville et la Haute-Vallée de Barousse sont très peuplées. Nous ne connaissons pas le chiffre de population de Mauléon en 1858 mais en 1861, elle est de 731 habitants.

Jeanne-Laurence Noguès habitera cette maison contigüe à celle de Baptiste son frère aîné, de sa belle-soeur Pauline Hibos et de ses neveux Léonard et Adolphe jusqu'à ce que son fils ayant réussi dans la politique l'emmènera avec lui à Tarbes, à la retraite.

 

Il est un brillant élève au primaire et l'instituteur lui conseille de présenter le concours d'entrée à l'Ecole Normale où il excellera également. Il devint instituteur et à 20 ans en 1878, lors du Conseil de Révision à Mauléon-Barousse auquel il ne se  présente pas, il habite à Montastruc de Salies, dans le hameau de Saint-Martin, il est déclaré bon pour le service mais en est dispensé car il est "voué à l'enseignement". Il est donc dégagé de ses obligations militaires. A joué également dans cette décision, le fait qu'il soit né de père inconnu et qu'il doit prendre soin de sa mère.

 

Du fait de son absence, nous n'avons aucun renseignement sur son physique mais nous savons qu'il est de culte catholique et que son degré d'instruction est de 3. C'est-à-dire qu'il est instruit, qu'il a obtenu un diplôme important.

 

Comme depuis la campagne d'Alexandre Ledru-Rollin qui a institué la "campagne des banquets" entre 1847 et 1848, les idées républicaines se sont répandues jusqu'au plus petit village à une époque où la répression contre les républicains est effroyable, la Barousse adhère très vite à ce mouvement républicain "socialiste". Ce grand bourgeois français est un opposant farouche à la Monarchie de Juillet et son idée d'organiser dans toutes les villes et petites villes françaises un grand banquet où se retrouvent les élus et les notables de la province, parlant et donc comprenant la langue française, est un moyen de contourner les lois répressives du roi Louis-Philippe et de propager ses idées. Le mouvement est tel qu'il aboutit à la Révolution de février 1848 et à la fin de la royauté en France. Ledru-Rollin devint également un opposant à Napoléon III.

 

Louis Prosper Noguès est passionné de politique et l'instauration de la IIIème République lui donne des ailes. Le parti "radical" catalogué par les républicains modérés de parti-radical socialiste se situe à l'extrême-gauche ; avec ses idées sociales, son anticléricalisme, son anticolonialisme et avec Clémenceau comme chef de file,  il l'attire irrémédiablement. Il se présente au Conseil Général sur le canton de Mauléon-Barousse, où il sait bien qu'il fera "un carton". En 1898, à 40 ans, il devient Président du Conseil Général des Hautes-Pyrénées. En 1900, il est élu maire de Mauléon-Barousse et il le restera jusqu'en 1919.

En 1906, il se présente aux Législatives et est élu député des Hautes-Pyrénées. Il le restera jusqu'en 1919, où il perd face à la vague " Bleu Horizon" issue de la Grande Guerre.

 

Entre temps, il est devenu avoué et en 1919, il prend les rênes de la mairie de Bagnères de Bigorre où il restera jusqu'en 1935.

A la Chambre des Députés, il ne brillera pas par ses interventions. Il préfère siéger lors des Commissions où ses connaissances juridiques font merveille. Le 11 mai 1925, ayant pris la tête du mouvement "du cartel des gauches", il retrouve son siège de député et en 1928, il l'abandonne pour celui de sénateur. Il ne brille pas plus là non plus mais sut, toute sa vie, intervenir pour son département. En fait, il se désintéresse peu à peu de la politique et préfère ne se préoccuper que de sa circonscription. En 1936, il ne se représente pas et se retire à Tarbes et Mauléon-Barousse. En 1945, à 87 ans, il meurt à Tarbes.

Les Baroussais en furent très affectés car il était resté toujours très proche des maires e des petites gens, à l'écoute de tous.

Le petit garçon issu d'un milieu aisé, celui des commerçants, malgré sa condition d'être né de père inconnu, ce qui malgré tout en ces temps-là était un handicap, a réussi à devenir une figure de la notabilité de province à force de travail et de vraies convictions.

A suivre.

Jackie Mansas

27 juin 2017

 

- http://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/5571

- Archives du Sénat pour la photo de François Fortassin mais il n'existe pas encore de biographie à son sujet. Pour sa carrière : Wikipédia.

- Pour le Gascon et ses mots :

"NICOLAU REI BÈTHVÉDER 
DICTIONNAIRE FRANÇAIS OCCITAN  (GASCON TOULOUSAIN)

 dictionnaire de la langue parlée en Nord Comminges, Fezensaguet, Lomagne, Muretain, Savès & Pays Toulousain 
 
GERS – HAUTE-GARONNE – TARN-ET-GARONNE
INSTITUT D’ESTUDIS OCCITANS 2004. ISBN : 2-85910-338-4 "

- http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=rosae

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