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Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...

Patrimoine oublié en Barousse

La croix du Mombourg à Bertren

La croix du Mombourg à Bertren

 

LA CROIX DU MOMBOURG

 

 

En cette année 1943, le maire de Bertren, Jean-Marie Labardens, entrepreneur BTP, son adjoint Jean-Marie Lamoure, leur secrétaire l’instituteur Rumèbe et le curé Sécail, attendaient les trois “Moines Blancs” belges qui séjournaient depuis quelques jours au couvent de Gembrie. Ils avaient le dessein d’élever une grande croix en béton sur chacun des sommets du Mombourg à Bertren, du Pic de Cau à Gaudent et d’Herbe Rouge dans le massif du Gert sur la commune de Troubat qui rappelerait les cultes anciens et glorifierait la gloire de Jésus-Christ, ce qui était très important en ces temps troublés. Tout le monde était d’accord, il fallait attirer la Bienveillance Divine pour que la guerre se termine par une victoire des Alliés.

 

 

Personne ne savait à quel ordre ils appartenaient mais leur habit blanc constitué d’une tunique surmontée d’un capuce sur lequel pendait une croix en bois et d’un rosaire qui leur serrait la ceinture laissait penser qu’il sagissait de Dominicains. Dès les premiers jours de leur arrivée, ils rendirent visite aux maires et aux curés de Bertren, d’Anla, de Troubat, de Thèbe, de Gaudent et d’Aveux pour leur soumettre ce dossier qui leur tenait à coeur. Rapidement, trois sites furent choisis : Bertren Troubat, Gaudent.

 

 

Les Allemands qui occupaient la région avaient décidé de la quantité de matériaux que chaque commune recevrait et ce jour-là, les moines venaient finaliser le projet avec le maire et le curé de Bertren.

 

 

Les travaux devaient commencer dans les trois endroits, en même temps et dans les plus brefs délais. Le maire s’en porta garant. Lorsque les religieux et le curé s’en furent à l’église, le maire et l’adjoint se dirigèrent vers chez “Poutchet” (famille Mansas) pour demander au fils, Simon, de convoquer tous ses copains du village afin de constituer des équipes. Ce qui fut fait le soir même au bistrot Castex des Quatre-Chemins.

 

 

Mathias Nasarre et Léon Forment acceptèrent de transporter le sable des Bernissats jusqu’à chez Jeannoun Soulé, maison “Plastrayres”, les Platriers et d’en remplir des sacs de jute. Sa maison, bâtie à la sortie du village, avant le sentier qui montait au Mombourg, était l’entrepôt idéal. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre et les femmes ainsi que les jeunes hommes proposèrent leur aide avec joie. La majorité des hommes étant prisonniers, il fallait des bras... nombreux.

 

 

Louis Luccini, Matthias Nasarre et Raymond Castillon transportèrent les sacs de béton depuis l’entreprise de chaux et ciments Couret à Izaourt où ils travaillaient. Simon et Conrad Badia allèrent chercher le ferraillage – offert par Jean-Marie Labardens - à l’usine de Gourdan-Polignan où ne travaillaient, au ralenti, que les ouvriers les plus âgés et pourvus de famille.

 

 

Dans la semaine qui suivit, depuis la maison des Plastrayres, les femmes les plus assidues comme Jeanne Bon née Lamoure, Mariette Castillon, Marie Mondon née Billères, Mauricette Cap, Suzanne Lamoure née Castex, ainsi que les jeunes tels Angel Gallina, son cousin Angel Sabinotto, Roger Soulé accompagnés de vieux messieurs fatigués mais courageux portèrent les sacs de sable et de béton jusqu’en haut. Les hommes se chargèrent des barres de fer qui pesaient lourd sur les épaules !

 

 

Le sentier part du lieu-dit La Vigne, traverse le Montégut au-dessus de la carrière de sable située au départ de l’actuelle piste, passe devant la grotte des résistants de la dernière guerre, débouche sur les prés d’Escalamas, escalade les Espuguères et atteint le sommet qui culmine à 805 mètres et qui offre une vue splendide sur la plaine de la Garonne depuis Burs et Saint-Bertrand de Comminges jusqu’à Fronsac et Marignac et la vallée de Barousse. La montée était lente mais le but motivait toutes les bonnes volontés !

 

 

Le jeudi, les écoliers(res) de la classe du certificat se mêlèrent aux adultes, on y retrouva Robert Vivès et Paul Forment qui (lui) malgré son jeune âge servait d’agent de liaison pour la Résistance (en portant les messages d’un maquis à l’autre au nez et à la barbe des Allemands avec deux copains de Bagiry), sa soeur Berthe ainsi que Marguerite Castillon. D’autres femmes ne participèrent qu’occasionnellement car elles travaillaient. Mais les toutes jeunes filles qui étaient encore à l'école ne se firent pas prier non  plus pour participer derrière Jeanne Bon et le curé Sécail.

 

 

Simon et ses copains, voyant le peu de matériau octroyé par les Allemands, décidèrent lors d’un conciliabule secret de les flouer. Mathias se joignit à eux et ils montèrent un plan “commando” : il fallait en secret “chiper” des sacs de béton supplémentaires pour réaliser une croix solide qui défierait le temps ! Jésus méritait cela ! Les trois hommes apportèrent sur leurs porte-bagage les sacs autorisés au grand jour par la route nationale. Mais ils repartaient la nuit venue et entre deux patrouilles, par le chemin latéral jusqu’à l’usine où ils avaient caché leur butin. Il était évident que leur patron était dans le coup. Sans lumière à leurs vélos pour ne pas être repérés, chargés au maximum, ils réussirent à dissimuler les sacs dans le champ de maïs de Simon au lieu-dit la Lanette juste après le pont de Luscan. Il leur fallut traverser la voie ferrée pour atteindre la parcelle sans se faire voir puis une fois “leur forfait” accompli, ils remontaient sur leurs vélos considérablement allégés et rentraient ni vu ni connu. Tard dans la nuit, Simon rejoignait Jeannoun et son fils Roger et ensemble par le chemin de la Prade, ils récupéraient les sacs sur leurs épaules et les entreposaient sous un tas de plâtre en cas que...

 

 

Quand tout fut transporté en haut, les volontaires firent des allers et retours pour monter des outres remplies d’eau car dans le massif, il n’existe pas de source. Mais c’était éreintant. Célestin Bon qui possédait l’étable et les terres d’Ardoun, leur offrit de puiser l’eau à son puits. Le ballet recommença par l’autre versant pour remplir une citerne que les hommes avait poussée sur la pente – un travail incroyable – jusqu’au sommet afin de recueillir l’eau de pluie.

 

 

Les coffrages furent cloués très vite et le socle construit en premier. Les femmes et les enfants avaient ramassé dans l’enthousiasme les cailloux autour du sommet.

Avant de verser le béton dans celui de la croix, le curé le bénit. L’assistance recueillie et consciente qu’une grande œuvre pour la gloire de Dieu allait être réalisée, pria avec une grande émotion. Les femmes égrenèrent des chapelets pour le salut des prisonniers.

 

 

Il fallut plusieurs jours avant que tout ne sécha, Simon ne transigeant pas sur le temps nécessaire. Il ne décoffra l’ouvrage que lorsqu’il jugea que le béton était sec à point. La population vibrait d’impatience, quand allait-on enfin dresser cette croix sur son socle ?

 

 

Ce moment arriva bien après l’inauguration des deux autres car Simon ne voulut pas céder. Et le dimanche suivant, les habitants de Bertren curé en tête avec les enfants de chœur, les fillettes et les jeunes filles en robes du dimanche et portant des bouquets de fleurs des jardins, les garçons en pantalon court, les genoux écorchés, les “Ménines”toutes vêtues de noir, un fichu neuf sur la tête, montèrent en chantant des cantiques. Ils virent arriver ceux d’Izaourt par le Pujo, ceux d’Ilheu par Ardoun et ceux d’Anla par Figuières. On se serra devant la croix sur le petit plateau surplombant la carrière d’Izaourt et après que le curé eut demandé le silence, que les murmures se furent évanouis, d’une voix forte et les bras levés vers le ciel, il donna la bénédiction. A la fin, on entoura les trois moines blancs et on les remercia d’être venus de si loin pour créer une si belle œuvre.

 

 

Et l’on redescendit heureux et fier.

 

 

Dans les jours qui suivirent, on apprit que les trois religieux étaient repartis vers leur Belgique natale sans avertir personne.

 

 

Ce fut à ce moment-là que la légende naquit : mais qui étaient donc ces “moines blancs” ? Car on s’aperçut que les trois monuments formaient un triangle presqu’isocèle entre la plaine et la haute montagne. Bien sûr, les curés et les sœurs de la Congrégation de Saint-Joseph qui dirigeaient l’hospice, expliquèrent que cela signifiait le Père, le Fils et le Saint-Esprit mais dans le secret le plus absolu, on murmura que ces croix même si elles avaient été élevées pour la Gloire de Dieu, pouvaient servir à autre chose.

 

 

Jackie Mansas

15 janvier 2014

 

 

Mon père était un véritable cap bourrut et son plus grand plaisir était de montrer parfois un esprit de contradiction d'anthologie ! Les habitants de Gaudent et de Thèbe/Troubat ont seulement obéi aux moines blancs, aux curés et aux maires sans se soucier si les croix tiendraient ou pas.

 

En effet ces deux ouvrages n'ont pas tenu, il a fallu les refaire, car il n'y avait pas assez de ciment pour qu'elles tiennent. Ceci à cause  des ordres de Cou de Cigogne sans nul doute. Mon père et ses copains s'y sont opposés vu que certains travaillaient aux Fours à chaux d'Izaourt et chez Labardens. Pour eux c'était un acte de résistance contre les Allemands. Il  a refusé de ne pas attendre que le béton  soit sec par acquis de conscience mais aussi pour s'opposer à eux tout en paraissant le plus croyant des hommes.

 

Elle a été toutefois réparée plusieurs fois au cours des temps  mais si un jour elle tombe, sera-t'elle remontée elle au moins  ?  

 

Au sujet de la croix du Mombourg

Sources :

Étant née après la guerre, je n’ai évidemment pas connu la période de la construction de la croix. Toutes les personnes de Bertren qui ont participé à cet événement n’ont eu de cesse de répéter la même histoire que j’ai rapportée fidèlement et je remercie tous les lecteurs de l’Écho qui me l’ont fait remarquer.

Cependant, j’ai omis et je leur demande de m’en excuser, de donner la liste de ces personnes en majorité de Bertren qui ont été mes sources et qui, hélas, sont toutes décédées. La voici :

 

Les dames de Bertren :

 

Amélie Baron, Jeanne Bon, Denise Bon, Mauricette Cap, Joséphine Castex, Mariette Castillon, Suzanne Lamoure, Yvette Lassus, Amélie Lucchini, Félicie Mansas, Marie Mondon, Marguerite Pellicer, Emma Sabinotto, Sœur Saint-Laurent, Sœur Saint-Joseph.

 

Les messieurs de Bertren :

 

Conrad Badia, Angel Gallina, Eugène Portes, Roger Soulé, l’abbé Sécail, Robert Vivès.

 

Pour les histoires concernant le Mombourg :

 

Madame et Monsieur Pomian d’Anla, hameau d’Ardoun.

 

Au sujet des moines dont personne ne connaissait ni l’ordre, ni l’origine :

 

Mr Lamolle et Pierre Dutrey dit de Naïe de Gembrie, Odette Gachie d’Ilheu et Monsieur Pomian d’Anla.

 

Pour l’interprétation religieuse :

 

Sœur Saint-Laurent et Sœur Saint-Joseph, l’abbé Sécail, Mr Lamolle et Pierre Dutrey, Odette Gachie, Monsieur Pomian.

 

Recherches sur internet : voir Wikipedia avec les liens des ordres religieux en Belgique

 

A ce sujet, en lisant une carte IGN, on s’aperçoit que les trois monts choisis ayant à peu près la même altitude à quelques mètres près, forment bien un triangle. Il paraîtrait qu’en fait, il s’agirait d’un rectangle car il y aurait une 4ème croix sur un autre mont. Ceci est impossible car on ne peut pas faire un rectangle en montagne. Sur la carte, si l’on réalise vers le sud un parallélogramme, on tombe sur un mont boisé et peu accessible de Ourde, le bois de Salose et si l’on va vers le nord, on tombe au milieu de la Garonne au niveau du moulin Capitoul. Je pense que les deux messieurs de Gembrie, très érudits et fidèles conteurs, m’auraient parlé de cette fameuse 4ème croix si elle avait existé.

 

Article paru en 2014 dans le journal paroissial l'Echo de Neste Barousse.

 

J'ai appris récemment que dans le quartier de montagne jouxtant celui de Salose, on trouve sur un énorme rocher une petite croix en fer. La légende veut que il y a très longtemps, deux femmes portant dans leurs besaces le dîner de leurs "hommes" qui coupaient du bois bien au-dessus, ont été écrasées par ce rocher pesant plusieurs tonnes qui venait de se détacher de la paroi rocheuse au-dessus du chemin. Il a arrêté sa course à l'ndroit où on le trouve et le corps de ces dames seraient encore en dessous. Pour honorer leurs mémoires, le village et la communauté ont scellé en son sommet une croix de fer tournée vers l'est.

 

Il ne s'agit aucunement de la 4ème croix soi-disant élevée par les "trois moines blancs", car les trois autres monuments sont exactement semblables et ont été construits en même temps.

Un autre témoignage nous est parvenu : depuis la croix du Gert (Herbe Rouge) et par temps clair, on peut apercevoir les deux autres, Mombourg et Cau formant un véritable triangle...

Ayant appris que des personnes indélicates se servent en les transformant, de mes articles à des fins personnelles, je me vois obligée de les faire protéger juridiquement.

RAPPEL :

https://www.adagp.fr/fr/droit-auteur/les-textes

LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Deux lois ont posé les grands principes du droit d’auteur :

- la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique ;
- la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.

Les dispositions de ces deux lois ont été intégrées au code de la propriété intellectuelle (« codifiées ») par la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992.

C’est aujourd’hui le code de la propriété intellectuelle, complété notamment par la loi « DADVSI »du 1er août 2006 et les lois « HADOPI » de 2009, qui constitue le texte de référence en matière de droit d’auteur.

>> Consulter le code de la propriété intellectuelle sur Légifrance.

 

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