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Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...

Le coup des Belges....

Les Belges avaient fui Namur sous les bombes en 1940, leur quartier avait été détruit..."La France en 1940 : images des réfugiés" de Hanna Diamond (Presses Universitaires du Septentrion)
Les Belges avaient fui Namur sous les bombes en 1940, leur quartier avait été détruit..."La France en 1940 : images des réfugiés" de Hanna Diamond (Presses Universitaires du Septentrion)
Les Belges avaient fui Namur sous les bombes en 1940, leur quartier avait été détruit..."La France en 1940 : images des réfugiés" de Hanna Diamond (Presses Universitaires du Septentrion)
Les Belges avaient fui Namur sous les bombes en 1940, leur quartier avait été détruit..."La France en 1940 : images des réfugiés" de Hanna Diamond (Presses Universitaires du Septentrion)

Les Belges avaient fui Namur sous les bombes en 1940, leur quartier avait été détruit..."La France en 1940 : images des réfugiés" de Hanna Diamond (Presses Universitaires du Septentrion)

Juillet 1943 : Les Belges ne se réveillent pas !

 

 

Les Bertrennais aimaient flâner dans la plaine où les chemins, bordés de haies couvertes de fleurs d’aubépines au printemps, permettaient les secrets. Les gens se croisaient, se parlaient, demandaient des nouvelles.

 

Ma mère Marcelle (1) était donc depuis le 1er août 1941 la bonne de Mr et Mme *** une famille de coloniaux. Un mois après son embauche, elle voulait repartir malgré qu'elle s'était attachée aux deux garçons et Madame avait trouvé la solution pour la faire changer d'avis : elle lui permettait d'aller se promener dans le village tous les après-midi avec les enfants. Et bien évidemment, elle tomba dans le piège : vu la gentillesse des villageois qui parlaient facilement, elle décida de rester ! Elle appréciait ces rencontres riches en échanges. Néanmoins, elle gardait une distance prudente vis-à-vis de tous ceux qui parlaient trop fort et trop vite.

 

Le soleil se couchait sur la montagne du Picon surplombant le village en ce vendredi 15 juillet 1943 et la lumière chaude de l’été s’étalait sur les murs et les toits des maisons. Marcelle qui avait fait le tour du village avec les deux garçons, hâta le pas car l’heure du souper approchait et elle devait leur donner leur bain quotidien. Bien sûr la soupe serait vite réchauffée mais il fallait préparer le reste du repas avec ce qu’il y avait de bien caché dans le garde-manger. Il y aurait une fois de plus au menu les inévitables rutabagas sans goût et indigestes.

Les deux garçons couraient dans la rue du Vignaou et zigzaguaient entre les bouses que les vaches avaient généreusement laissées ça et là en revenant des prés où elles avaient pacagé toute la journée.

 

Le sifflet du train, à la Halte de Galié fut remplacé par le crissement des roues de fer sur le rail et la fumée blanche de la locomotive apparut au-dessus des toits puis se dispersa, remontant vers la montagne comme si elle voulait se faufiler au travers des arbres.

 

Marcelle marchait d’un bon pas en surveillant ses « petits » comme elle les appelait, avec attention, il ne fallait surtout pas qu’il leur arrive quelque chose ! Surtout au petit dernier Jean, blond comme les blés, encore maladroit mais tellement gentil ! Il allait fêter ses 3 ans le mois prochain. L’aîné, Pierre, qui portait haut ses 7 ans et qui était assez abrupt, sautait à pieds joints par-dessus les bouses encore fumantes. Elle les aimait profondément et ils le lui rendaient bien.

 

Ils arrivaient à la hauteur de la maison "C" lorsque Madame Michoulin (2) sortit, une robe posée sur son bras gauche. Elle avait gardé à son poignet son porte épingles hérisson de satin rouge. Elle allait livrer le vêtement retouché. Marcelle s’arrêta pour lui dire bonjour et la couturière, avec son fort accent belge, lui répondit aimablement.

 

Le couple avait fui en 40 le feu des bombes allemandes qui s'était abattu sur leur région natale de Namur en Belgique et s'était retrouvé à Bertren après maintes pérégrinations...

 

Elles devisèrent quelques minutes jusqu’à ce que Monsieur Michoulin vienne les rejoindre. Il travaillait dans le potager, sarclant les salades avec ardeur et entendant parler les femmes, eut une envie irrépressible de les rejoindre. Il adorait taquiner cette jeune femme réservée mais affable.

En plus, en homme de goût, il savait apprécier la grâce naturelle qui se dégageait d'elle. Elle était belle avec ses cheveux auburn coiffés à la mode et toujours habillée, quand elle sortait, d’une robe fleurie. Elle aimait les tons pastels, discrets, qui auraient pu la faire passer pour insignifiante mais qui en fait, lui donnait, aux dires des hommes, une allure de « demoiselle ». Mais on lui devinait une sacrée personnalité !

 

Les garçons couraient toujours et Pierre bouscula son jeune frère qui tomba. Marcelle le releva et frotta le genou écorché. Il laissa couler quelques larmes puis chercha le câlin ...

Madame Michoulin lui caressa la joue et lui dit que ce n’était pas grave, il devenait un homme. Pierre faisait la tête. Marcelle dit alors :

- Nous allons rentrer, ils ont faim et ils sont fatigués !

Monsieur Michoulin lui répondit sur un ton badin :

- Il a de la chance ce petit ! Je voudrais bien tomber pour être consolé !

Madame Michoulin le regarda sévèrement et lui tapa sur le bras d’un petit coup sec. Il rit et très gentiment souhaita le bonsoir à la jeune femme et aux deux enfants ; ils répondirent de même et s’éloignèrent. Le petit portail de la grande maison grinça quand Marcelle le poussa. Ce ne fut que lorsqu’ils furent rentrés que Madame Michoulin alla livrer la robe.

 

 

Une soirée comme les autres.

 

 

Il était dix heures du soir et la lune qui en était à son premier quartier brillait très fort dans le ciel. Marcelle se pencha à la fenêtre de sa chambre pour regarder dans la rue. Elle resta ainsi un petit moment s’attendant à voir sortir trois ou quatre voisins de chez les Belges comme tous les soirs avant le couvre-feu.

Ils évitaient ainsi la patrouille allemande formée de plusieurs motos qui ouvraient la route aux side-cars, avec dans le premier, comme passager, le chef de la Gestapo, aussi craint qu’abhorré par la population.

Ils arrivaient  vers 8 heures, avant la tombée de la nuit pour veiller devant un verre de vin rouge.

Mais la rue resta vide, personne ne sortit.

Cette nuit-là, elle tendait les bras afin de tirer les volets lorsqu’elle aperçut Thomas (2) Tomps qui sortait de la maison voisine. Il allait, comme à son habitude, arpenter la rue du Vignaou de la place du Cascaret (4) à celle des Quatre-Chemins en essayant de trouver un sommeil qui le fuyait. Lorsqu’il se réveillait dans la nuit et tardait à se rendormir, il sortait et faisait ainsi des allers et retours jusqu’à ce qu’il se sente assez fatigué pour retourner dans son lit. Sa femme, habituée à ses insomnies, continuait de dormir, sans culpabilité aucune.

Ils se saluèrent discrètement.

Ils entendirent les motos et les side-cars des allemands passer sur la route nationale. Il s’arrêta et resta immobile. Il écouta le bruit des moteurs décroître et quand le silence revint, reprit sa marche.

Marcelle tira un livre du tiroir de sa table de nuit et bien calée dans les oreillers lut quelques pages avant de s'endormir très vite tandis que les rayons de lune se glissaient au travers des volets entrouverts.

 

 

Un matin ensoleillé et chaud

 

 

Le réveil sonna dans la petite chambre où elle dormait. Il était un peu plus de 6 heures et le jour n’était pas encore tout à fait levé, il fallait attendre 9 heures moins vingt pour que le soleil surgisse de derrière la montagne. Marcelle sortit de son lit la tête encore pleine des rêves de la nuit.

Elle ouvrit les volets, respira un bon coup l’air frais du petit jour qui gardait encore des traces de la nuit puis se dirigea vers la table de toilette et ....le broc d'eau froide.

Quand elle eut terminé, elle se dirigea vers la fenêtre, regarda si quelqu’un passait et comme il n’y avait personne, jeta l’eau par la fenêtre. Le bruit des éclaboussures dans la rigole la fit sourire. Personne n’était passé et c’était bien. Dans la plupart des maisons, quand les chambres donnaient sur la rue, il était courant que les femmes vident le pot de chambre dans le caniveau depuis la fenêtre. Parfois elles ne faisaient pas attention et des protestations masculines vigoureuses et abondamment fleuries s’élevaient. Elles répondaient du tac au tac :

- Et bé ! Ca fait pousser les tiges ! Va te laver couillon !

 

Une petite anecdote à ce sujet : il y avait dans mon quartier deux dames qui se détestaient mais à un point que l'on ne saurait imaginer et elles avaient de l'imagination pour se montrer l'une à l'autre à quel niveau cette détestation pouvait arriver... Leur jeu favori ? La guerre des pots... de chambre bien entendu. Leurs fenêtres de l'étage se trouvaient en vis à vis de chaque côté de la ruelle et le matin, chacune attendait derrière que l'autre se place puis à 9 heures pile, elles l'ouvraient et paf ! vidaient leurs pots en les jetant sur l'autre façade  - il valait mieux prévoir de ne pas se trouver dessous - en s'invectivant, genre "alors sale p... la voilà ta m...." ou bien "tu as vidé ton litre au lieu du café ? "... Bon bref, du très haut niveau...

A midi, elles conversaient aimablement se souhaitant même un bon appétit et à 5 heures, il y en avait pour une heure de bagarre verbale d'un portail à l'autre... La dispute se terminait par deux phrases immuables :

- Allez va s....., va vider tes litrons comme ça on ne verra plus ta sale gueule

Ce à quoi l'autre répliquait :

- Et toi c......., va laver ton gros cul, il sent d'ici...

C'était d'un charmant...

 

Donc, ce matin-là...

 

Marcelle s’habilla avec soin : elle mettait toujours un grand soin à être habillée correctement et joliment chaque jour (3). Elle cacha ses vêtements de nuit sous l’oreiller et referma sa valise où elle rangeait son linge. Il n’y avait ni placard, ni armoire, ni commode dans sa chambre.

L’horloge de l’église sonna 7 heures. Il était temps de descendre. Mais avant de sortir, elle se pencha à nouveau à la fenêtre pour regarder dans la rue. En face, dans la métairie, Anselme (2) sortait de l’étable avec deux seaux rempli de lait. Il leva la tête et l’aperçut, il lui lança un bonjour sonore et elle répondit par un signe de la main. Son épouse apparut sur le seuil toujours pressée comme à son habitude un balai à la main. Ils étaient arrivés en 1940 et s’étaient installés dans cette ferme succédant ainsi aux anciens métayers qui, trop âgés, partaient enfin à la retraite. Ils avaient fui les Ardennes martyrisées par la guerre et avaient marché jusqu’au piémont pyrénéen, comme tant d’autres. Ils s’étaient bien intégrés dans ce milieu paysan différent du leur, certes, mais avec qui ils avaient en commun l’amour de la terre.

 

Elle jeta un regard vers le haut du Vignaou. Une fois de plus Robert le Vieux bousculait ses vaches en les trayant, son épouse Hélène donnait de la voix. Et comme tous les matins, les chiens aboyaient en les entendant crier. Ces bruits familiers étaient rassurants, ils prouvaient que malgré la guerre, tout était encore vivant.

 

Ses yeux glissèrent vers la maison des Michoulin. Ils n’étaient probablement pas levés, les volets étaient fermés. C’était étonnant : depuis leur arrivée, ils étaient debout vers 6 heures. Peut-être étaient-ils malades, elle irait les voir dès que les enfants auraient déjeuné et seraient habillés. Madame ne sonnait en général pas avant 9 heures 30. Elle avait le temps.

 

La cuisine était immense, sombre et sentait le renfermé. Elle était commune à la maison de Monsieur  et à celle de son frère où logeait leur père très âgé. Elle ouvrit aussitôt toutes les fenêtres, un courant d’air bienfaisant se répandit. Elle raviva la cuisinière qui repartit aussitôt. Puis elle saisit une grande bassine et alla la remplir au robinet de la grange. L’eau allait chauffer doucement. Ayant tout réglé, elle prit un pot à lait en fer et se rendit à la métairie. Anselme l’accueillit gentiment et profita de l’absence de sa femme pour lui faire un brin de cour. Elle fit semblant de ne pas le remarquer. En revenant à la maison, elle regarda à nouveau la maison des Michoulin. Rien ne se passait, tout était calme. Cette maison fermée détonnait dans le paysage.

 

Elle s’affaira autour du fourneau, mit les bols et les petites cuillères en argent du service de cuisine, coupa des tartines de pain, les beurra et étala dessus de la confiture de pêche qu’elle avait confectionnée avec les fruits du verger. Une voix implorante l'appela depuis le premier étage : les garçons s'étaient réveillés et voulaient se lever.

Elle prit toutefois son temps pour monter l’escalier.

Ils descendirent tous les trois et aussitôt dans la cuisine, les garçons s’installèrent à table.

 

Le petit portail de la rue s’ouvrit et Françoise, la bonne du grand-père des enfants, Monsieur Père, entra promptement comme à son habitude. Elle dit bonjour à la cantonade et s’installa à la table pour déjeuner. Ils mangèrent tous les quatre de bon appétit.

Soudain, Marcelle lui demanda :

- Avez-vous vu si les Michoulin sont levés ?

Françoise répondit :

- Maintenant que vous me le dites, j’ai trouvé bizarre en passant devant chez eux de voir tout fermé même le portail de la rue. Ils sont peut-être malades ?

- Je vais en parler à Madame quand elle sonnera pour que je lui porte son plateau. Elle saura quoi faire. Les Vivès ne vous ont rien dit ?

- Je ne les ai pas vus mais Robert le Vieux ne va pas tarder à descendre les bêtes au pré. Nous allons lui demander s’il sait quelque chose.

 

Elle avait fini sa phrase lorsque la cloche des vaches se fit entendre au bout de la rue. Le troupeau constitué d’une dizaine de belles gasconnes fit résonner les sabots sur la chaussée. Elles sortirent toutes les deux en courant et arrêtèrent le fermier qui leur jeta un regard rogue. Elles ne se laissèrent pas démonter et lui demandèrent s’il était au courant de quelque chose. Il répondit évasivement sur un ton peu amène :

- Oh ! Je crois qu’ils sont partis !

Les deux femmes se regardèrent effarées :

- Comment ça, partis ? Et où ?

- Je n’en sais rien et je m’en moque ! J’ai du travail et je ne m’occupe pas des affaires des autres !

Et sur ce, il poussa un grand cri, piqua méchamment la cuisse d’une vache avec son aiguillon,- horrible habitude - qui m'effrayait - de tous les agriculteurs même les plus gentils avec leurs bêtes "ça leur faisait circuler le sang", tu parles ! si on le leur avait fait à eux, ils auraient vu si leur sang circulait mieux après ? (5)-  ce qui entraîna une ruade et un mouvement de panique dans le troupeau. Bien évidemment, il régla cela à coups de bâtons et de hurlements.

 

Personne n’y prêta aucune attention, c’était habituel pour tous. 

 

Elles se regardèrent inquiètes et dubitatives. Françoise, qui avait fait le « voyage » avec son défunt mari sur toutes les routes du midi de la France pour vendre du linge de maison de « luxe » et qui était toujours énergique malgré la soixantaine cria :

- Anselme, venez avec nous, nous allons monter jusqu’à chez les Michoulin et les faire sortir s’ils sont là !

Le métayer répondit qu’il arrivait. Il laissa la brouette pleine de fumier au milieu de la cour et les rejoignit en courant. Tous les trois remontèrent la rue à grands pas.

 

Il vérifia le portail, effectivement, le cadenas fermait étroitement la chaîne mais il remarqua qu’il était posé à l’extérieur. Il s’exclama :

- Ils sont sortis, on dirait ! Mais il se peut que le Belge ait fait ça hier soir sans s’en rendre compte. Marcelle, aidez-moi, nous allons secouer le portail et vous, Françoise, allez frapper aux volets.

Les femmes obéirent aussitôt. Malgré le bruit, personne ne sortit de la maison et rien ne bougea.

 

Anselme donna des coups de pieds dans les plaques de tôle pour faire le plus de bruit possible. Hélène Vivès arriva et se joignit à eux pour héler le couple qui ne répondait toujours pas. Comme la situation s’éternisait, elle proposa que son fils Robert le Jeune qui soignait les brebis avant de les emmener à la pâture, passe par-dessus le mur pour entrer dans la maison. A treize ans, il était agile et en lui faisant la courte-échelle, il sauterait le mur facilement.

 

Ils acquiescèrent et en soufflant, elle rebroussa chemin. On l’entendit appeler son fils. Le gamin écouta attentivement sa mère et courut vers le trio. Anselme le prit par la taille et le jeta sur le haut du mur, il se rétablit facilement et sauta de l'autre côté. On l'entendit tambouriner à la porte d’entrée. Encore une fois, aucune réponse ne leur parvint. Cela devenait inquiétant. Ce remue-ménage interpella les voisins qui commencèrent à arriver. Il y eut bientôt un attroupement et tout le monde parlait, criait, mais rien ne se passait.

 

Pendant ce temps, Robert faisait le tour de la maison cherchant un passage pour entrer dans la bâtisse : peine perdue, tout était clos. Il était 8 heures et demie à l’horloge de l’église et comme tous les jours le rituel immuable des passages des troupeaux vers les prés de la plaine où ils passeraient la journée, allait commencer.

 

Le curé, réveillé par le bruit - il avait manqué la première messe comme bien souvent mais cela n’était pas grave, le Bon Dieu pardonnerait, car il souffrait de maux de ventre et d’estomac et de ce fait, passait certaines nuits entre sa couche et le « cabinet » sous la grange - sauta hors de son lit, s’habilla prestement mais il mit sa barrette de travers, elle ballotta et glissa sur son oreille. Il ne s’en aperçut pas. La soutane mal boutonnée, il sortit du presbytère qui jouxtait la maison des Michoulin. Il entreprit de ramener le calme dans tout ce brouhaha et se mêla au groupe de personnes qui discutait vivement devant le portail tout vibrant encore des secousses qu’il avait reçues.

 

Les remontrances de l’homme d’Eglise firent revenir le silence.

 

Il suggéra qu’il fallait demander au propriétaire de la maison qui habitait Toulouse, l’autorisation de pénétrer à l’intérieur. Marcelle fit remarquer alors, qu’il serait peut-être judicieux de demander à la mère de celui-ci, Hortense (2), d’ouvrir la porte si elle avait la clé.

 

Ce fut au tour de Simone (2) qui venait de débouler de la rue de l’église comme un char d’assaut sur un champ de bataille, de vouloir imposer son point de vue sans connaître quoi que ce soit à ce qui s’était passé auparavant.

- Qu’est-ce que vous voulez déranger cette femme ! Allez plutôt à l’hospice demander aux religieuses de téléphoner à son fils à Toulouse !

 

Le curé, vrai psychologue en ce qui concernait le caractère féminin, la laissa parler car il la connaissait fort bien et il savait que cette paroissienne aussi grande et costaude qu’autoritaire - ce qui n’était pas peu dire - si elle se trouvait vexée et contrariée, s’engageait dans des polémiques qui ne connaissaient pas de fin. Il lui fit remarquer que seule Madame "C" avait le numéro de téléphone de son fils mais qu’il ne serait pas surprenant qu’il lui ait laissé les clés. Simone reconnut que cela était vrai et lança péremptoirement qu’elle allait les lui réclamer sur le champ. Mais, se ravisant, elle asséna au prêtre :

- Monsieur le Curé, vous avez l’air d’un clown, remettez la barrette à sa place ! Et puis, vous ne savez plus vous habiller, vous vieillissez, reboutonnez votre soutane, vous êtes ridicule !

 

Le pauvre homme rosit de confusion et se permit de lui jeter, en biais pour que personne ne le remarque, un regard pas très chrétien !

 

Et les petits ? et le Pépé ?

 

Marcelle réalisa alors qu’elle avait oublié les « petits » ! Françoise la vit partir en courant et la suivit, elle aussi avait oublié le pépé qui l’attendait pour se lever. Il ne pouvait pas le faire tout seul.

 

Marcelle retrouva les garçons dans la cuisine sages comme des images ! Mais elle s’arrêta net sur le pas de la porte : Pierre la regarda en coin tandis que Jean lui sourit, immensément heureux d’être couvert de confiture de la tête aux pieds !

Marcelle s’apprêtait à les gronder lorsqu’elle réfléchit que si elle ne les avait pas laissés, cela ne serait pas arrivé.

Elle commanda à Pierre de s’asseoir jusqu’à ce qu’elle ait fini de laver son frère. Ayant échappé à l’orage, il se tint coi.

 

Françoise qui riait franchement, prit un plateau et prépara le petit-déjeuner du pépé. Il s’impatientait et tirait sur sa sonnette. Elle cria un « Oui, j’arrive » tonitruant mais ne se pressa pas pour autant. Elle préférait, pour l’instant, commenter l’énigme Michoulin :

- Ils sont peut-être partis mais pourquoi ? C’est étonnant ! Quel intérêt avaient-ils alors qu’ils étaient bien ici ? Tout le village les apprécie.

 

Marcelle qui frottait énergiquement les cheveux du petit garçon collés par la confiture lui répondit gravement :

- Mais oui, pourquoi seraient-ils partis ? Ils étaient tranquilles hier quand je leur ai parlé vers 5 heures et demi ! Ils étaient comme d’habitude. Nous avons fait la causette, ils semblaient contents et tranquilles.

- Mais tout est fermé chez eux. Monsieur le Curé a pris l’affaire en mains, on va vite savoir ce qui s’est passé.

- C’est plutôt Simone qui a pris les choses en mains ! Vous l’avez vue s’imposer devant le curé ! Elle est toujours égale à elle-même.

- Il fera ce qu’il faudra tout en lui laissant croire que c’est elle l’héroïne de la journée. Il sait mener son affaire, vous savez. Heureusement que nous sommes lundi parce que sinon vous auriez vu ma belle-fille bousculer tout ce beau monde-là. Quel dragon celle-là, elle est pire que la Simone, ! J’en sais quelque chose !

 

Elle haïssait sa belle-fille qui le lui rendait bien et s'ennuyait de son fils prisonnier dans un stalag en Allemagne.

Marcelle lui répondit gentiment :

- Oui, bien sûr, je sais ce qu’elle vous a fait. Mais où est-elle ce matin ?

Françoise cria au vieil homme qui cognait maintenant avec sa canne sur le plancher :

- J’arrive, un peu de patience, vous n’êtes pas pressé, non ? Alors attendez que j’aie fini de préparer votre plateau !

 

Puis se tournant vers Marcelle, elle continua d’une voix que la colère et la haine faisaient trembler :

- au marché à Montréjeau, tiens...  elle vient commander chez moi alors tant qu'elle se pavane sur les marchés, je ne la vois pas et je ne m'en porte que mieux...

Et elle laissa éclater sa fureur...

Un coup violent ébranla le plafond, elle sursauta, se tut brusquement, prit le plateau et sortit.

Les garçons avaient écouté toute la diatribe de Françoise sans laisser en chemin une seule phrase, une seule parole. Ils n’avaient pas été effrayés mais sidérés par une telle véhémence.

 

A suivre

 

Jackie Mansas

11 février 2017

 

Notes

 

1 - pour la commodité du récit, je vais l'appeler par son prénom durant la narration

2 - les prénoms suivis de ce chiffre ont été changés parce que soit je ne les connais pas soit je ne souhaite pas les donner pour cette histoire-ci. Bien entendu personne ne se souvenait du patronyme des Belges... J'ai trouvé celui-ci sur un annuaire puisqu'il en fallait un quand même !

3 - je n'ai pas hérité de cette qualité.... 

4 - le Cascaret est le lieu-dit où l'on a construit la Barrière de la SNCF, 

5 - ma mère avait interdit à mon père de le faire " Tu veux que je te le fasse à toi ? Tu vas voir si ça fait du bien !"....  Il avait obéi... il ne pouvait pas faire autrement d'ailleurs !

Ayant appris que des personnes indélicates se servent en les transformant, de mes articles à des fins personnelles, je me vois obligée de les faire protéger juridiquement.

RAPPEL :

https://www.adagp.fr/fr/droit-auteur/les-textes

LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Deux lois ont posé les grands principes du droit d’auteur :

- la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique ;
- la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.

Les dispositions de ces deux lois ont été intégrées au code de la propriété intellectuelle (« codifiées ») par la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992.

C’est aujourd’hui le code de la propriété intellectuelle, complété notamment par la loi « DADVSI »du 1er août 2006 et les lois « HADOPI » de 2009, qui constitue le texte de référence en matière de droit d’auteur.

>> Consulter le code de la propriété intellectuelle sur Légifrance.

 

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A
très beau blog sur la littérature. un plaisir de me promener ici.
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