Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...
La Barthe de Neste (en paramoteur voir logo) : où se trouve les ruines du château de Bernard de Labarthe ? Clic sur les photos pour les agrandir dans une nouvelle fenêtre.
Le 7 juin 1300, le vicomte Bernard de Labarthe décida d'octroyer une coutume écrite à ses sujets de la vicomté de Labarthe : Barousse/Neste/Magnoac.
Ce faisant, il déclenchait une lutte sans merci entre seigneurs et habitants, essentiellement dans la vallée de Barousse.
Mais il faut dire que l'organisation féodale qui reposait sur des rapports entre "maîtres" - les comtes de Bigorre, puis d'Aure puis de Labarthe au fil du temps et des partages d'héritages - et la population paysanne servile, ne résista pas à la disparition des vicomtes de Labarthe.
Ils ne s'étaient jamais comportés en seigneurs féodaux mais au contraire avaient toujours donné aux paysans qui leur permettaient de vivre plus qu'à l'aise, des droits d'hommes "libres".
C'est d'ailleurs Bernard de Labarthe qui supprima le servage dans sa vicomté Barousse-Neste-Magnoac…en 1300.
Si je vexe quelqu'un en disant que nous descendons tous, je dis bien tous, de serfs, j'en suis désolée mais c'est la réalité.
Je fais là aussi une parenthèse, nous avons tous, je dis bien tous, un ou plusieurs cagots dans notre lointaine ascendance car vous pensez bien que nos ancêtres féminines n'avaient aucun scrupule en matière de sexualité. Les hommes non plus, d'ailleurs… et on ne divorçait pas à grands renforts de reproches en cas d'adultère….
Si les meules de foin, les murs des cimetières ou des lavoirs, les bords de rivière pouvaient nous raconter le passé…
Nous sommes sûrs et certains de notre lignée féminine mais alors, en ce qui concerne la masculine…. il y a pas photo !
Un jour que je disais cela, un homme, extrêmement vexé, m'apostropha d'un "dans ma famille cela n'est jamais arrivé, nous sommes absolument normaux !".
Je n'avais pas dit que le fait que nos très, très vieilles grands-mères des temps lointains étaient anormales mais sa réflexion venait du fait qu'il ne pouvait concevoir descendre de "gourgandines", de "catins"...
C'est cela qu'il avait compris, le pauvre…. Il avait une courte vue : autrefois, la sexualité, avant que l'Eglise ne s'en mêle, était une manière de vivre libre… Cela n'empêchait pas les femmes d'être de bonnes épouses et de bonnes mères, j'en suis convaincue.
Je crois aussi que le développement de la médecine a mis en évidence un grand nombre de maladies héréditaires/génétiques/congénitales découlant de la consanguinité où d'une erreur de conception.
C'est cela que bon nombre de nos concitoyens n'acceptent pas. Ils pensent qu'il s'agit de tares et ne veulent rien entendre, mais bien sûr que non que ce n'en est pas, que nos lointains ascendants n'étaient pas détraqués : c'est tout simplement que les populations vivaient en quasi autarcie et on n'allait pas chercher une conjointe ou un conjoint à des centaines de kilomètres…
Lorsqu'il s'agit de maladies physiques, quelle importance ! On s'en fout, on vit une époque formidable où l'on peut être soigné, alors, franchement, il faut se "dévexer"….
Mais quand même, parfois, mon mauvais esprit me fait dire que certains ont hérité de gros "bobos à la teitougne" et s'ils en étaient conscients, ils pourraient regretter d'avoir dans leurs innombrables lignées quelques "ratés" génétiques...
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Parlons, avant de rentrer dans le vif de l'histoire du Haut-Moyen-Age, de la population présente dans cette région des Pyrénées Centrales à cette époque.
C'est après la chute de Lugdunum en 598 résultat de la guerre entre Gontran, roi de Burgondie, donc souverain mérovingien et son demi-frère Gondovald, que la cité fut entièrement détruite et sa population décimée.
Déjà qu'elle avait eu un coup d'arrêt dans son développement lors des invasions car obligée de fuir et de se réfugier dans les montagnes, son sort se dégrada encore plus sérieusement. Il faut préciser que le climat n'arrangea pas les choses.
L'organisation politique, sociale et économique romaine qui garantissait, malgré des conditions difficiles, une vie plutôt agréable, avait en partie disparue. Les structures urbanisées désormais ruinées étaient abandonnées.
La vie fut de plus en plus difficile et la population diminua drastiquement.
Toute cette région fut désertée et il ne resta que quelques lieux habités, à savoir les anciens domaines qui ne pouvaient être entretenus car la population était trop peu nombreuse.
Nous n'avons aucun document sur le haut- Moyen-Age sur ces populations et ces lieux habités ; il ne reste rien de cette longue période mais en observant le paysage et en reconstituant à partir des vues, cartes et photos anciennes et modernes, en étudiant le relief, les tracés des fleuves et rivières, on peut - tout en gardant une certaine distance car nous ne sommes sûrs de rien et chacun de nous peut interpréter à sa manière - arriver à une certaine idée du monde dans lequel vivaient nos ancêtres.
Qui étaient-ils ?
Le peuple pauvre et misérable pour la plupart.
- dans les montagnes, les hommes et femmes autochtones descendant des premières populations Ligures
- dans les massifs de la moyenne montagne et le piémont " haut" à savoir celui qui jouxtait la montagne impénétrable :
* les descendants des Convènes du temps des Romains à savoir la population autochtone et quelques Celtibères...
* les nombreuses peuplades gauloises, installées dans les plaines très, très "plates" car ils préféraient se regrouper le plus près possible des rivières, là où les terres étaient les plus rentables et les communications de "tribus à tribus" plus faciles à établir.
* les Vascons venus de la vallée de l'Ebre en Espagne dont le territoire s'étendait du nord-ouest de l'Aragon actuel jusqu'au pays Basque et les Asturies…
Passer en Gaule ne fut qu'un jeu d'enfant pour eux et ils occupèrent ce large territoire allant du Val d'Aran à l'Atlantique tant en Espagne qu'en France actuelle….
* Nous devons y ajouter les esclaves des anciens maîtres gallo-romains originaires de tout l'ancien empire et leurs descendants issus des unions avec la population autochtone.
Nos ancêtres pyrénéens de ces temps lointains avaient vécu sous la "Pax Romana" et obligés de renoncer à tout….
Les classes supérieures.
Dans les grands domaines qui avaient pu résister, on retrouve les descendants des Convènes libres et aisés d'avant les invasions et ceux des anciens maîtres.
Ils forment une sorte d'aristocratie et se sont adaptés au nouveau monde dominé par les Mérovingiens dont ils forment "l'élite" dans notre région.
Se sont-ils vraiment développés ? Non, pas vraiment, leur nombre a stagné jusqu'à l'an mil car le pays ne pouvait en aucun cas leur apporter la richesse d'antan puisque toutes les infrastructures avaient disparues et ils vivotaient en se bagarrant et en luttant contre les bandes armées.
La pauvreté, les maladies étaient légion….
Nous n'avons aucun document, aucun vestige, aucune carte, aucun recensement, mais ce dont nous sommes certains est que dans des régions comme la notre à l'écart de tout et n'offrant aucun intérêt aux grands des royaumes tant mérovingiens que carolingiens sauf dans le domaine militaire, les populations oubliées sombrèrent.
C'est dans cette période sombre où les décès étaient bien plus nombreux que les naissances (plutôt rares) qu'une population pouvait avoir de gros problèmes de santé….
Et devenir ce que nous appelons nous, aujourd'hui, des "populations défavorisées" mais à l'échelle du Moyen-Age bien sûr. Alors….
Les Pyrénées Centrales en paramoteur (voir logo) : une succession de vallées profondes et de rivières...
Un rappel historique :
Les vallées situées sur la rive gauche de la Garonne - le fleuve marquant frontière naturelle - à partir du site gallo-romain d'Esténos sis à l'extrémité du domaine de Siradanus jusqu'à l'arrivée des Vandales, appartinrent de facto à la Bigorre à partir du 8ème siècle. Celles qui se situaient sur la rive gauche de la Pique faisaient partie du Comminges et de ce fait furent de tous temps au centre d'un conflit entre ces deux puissants comtés découlant des "marches" créées par Charlemagne. Il est vrai que le découpage paraît bizarre sauf si on reconstitue le paysage de l'époque. Juger selon nos critères de vie et selon ce que l'on voit entraîne sur une fausse piste...
Au temps des Romains, ces vastes territoires étaient administrés par la cité de Lugdunum Convenarum. A la chute de l'empire et après les invasions barbares, il fallut du temps aux populations qui avaient eu la chance de survivre en se réfugiant dans les montagnes, de revenir sur les anciens lieux cultivés et urbanisés en ruines, abandonnés.
Les Convènes eurent beaucoup de mal à accepter une vie de privations et de dures conditions économiques et sociales.
De plus le climat ne leur fut pas favorable et le nombre d'habitants diminua drastiquement : maladies, famines, faiblesse, consanguinité… et surtout une détresse psychologique reconnue de nos jours par les historiens et mise en avant désormais pour expliquer l'effondrement du monde occidental durant tout le haut Moyen-Age de 452 à l'an mil.
Elle était due au traumatisme des invasions. La douceur de vivre à la gallo-romaine ne les avait pas préparés à résister mentalement et physiquement à la violence inouïe et sauvage des Barbares.
Charlemagne réorganisa son empire à tous les niveaux pour consolider son immense pouvoir gagné de haute lutte. Il se servit de l'exemple militaire, social et économique laissé par les Romains - et plus ou moins sauvegardé par les Mérovingiens - dont la plupart des grandes familles survivantes gravitaient dans son sillage.
Que fit-il ?
Tout d'abord parlons du climat (1).
Froid jusqu'au 6ème siècle, il ne permit pas aux populations de croître et les récoltes furent maigres. Durant deux siècles, 6ème et 7ème, le réchauffement fut assez conséquent. Des terres humides et marécageuses furent mise en culture et devinrent assez productives, les friches furent à nouveau travaillées.
Nous sommes sous le règne des Mérovingiens qui peu ou prou, malgré les bandes armées qui ravagent villes et campagnes - il faut préciser que le nombre de villes est peu important et que la Gaule Mérovingienne est rurale à presque 95% !- essaient de maintenir "une paix à la romaine"….
Les derniers envahisseurs (Wisigoths et Francs qui les chassèrent) occupent les domaines anciens et profitent de la "pax Romana" retrouvée en partie.
Le sol gaulois est recouvert de forêts profondes parsemées de clairières cultivées grâce aux efforts des paysans pour les défricher (technique du brûlis), d'étangs, de buissons d'épineux formant barrière etc... Les plaines sont marécageuses tout au long des fleuves et des rivières souvent en crues.
La forêt est habitée par les marginaux qui y trouvent le gîte et le couvert, par les charbonniers et les bûcherons, par les ermites et quelques monastères mais ce n'est pas la foule, loin de là !
Tous les grands animaux prédateurs sont présents et sont chassés par les nobles. Les paysans en ont tellement peur qu'ils enfreignent régulièrement la loi qui veut que la chasse leur soit interdite.
Le village tel que nous le connaissons n'existe pas encore, il n'y a que des grands domaines séparés les uns des autres mais qui peuvent n'avoir qu'un seul propriétaire. Une église ou une chapelle peut avoir été construite en dehors de la "villa" sur une place créée pour que les habitants du domaine, maîtres et serfs ainsi que les rares hommes libres vivant en marge, puissent se réunir, assister aux offices et "écouter" les autorités….
Là où l'implantation humaine est facile à pérenniser, il subsiste encore les grands domaines gallo-romains, la plupart du temps fractionnés en une multitude de "villa" conçues désormais pour un autre modèle social, celui de la vassalité. Sur les terres défrichées, d'autres domaines ont vu le jour et de ce fait, les populations paysannes se mettent sous la protection d'un "maître" ou "seigneur" et acceptent pour la plupart la condition de serfs.
Citons Jean Favier :
" Le domaine est d'abord fait d'une résidence, car sauf en de rares et courtes occasions, l'aristocratie a depuis longtemps cessé d'habiter la ville. Même dans les domaines où ne vient jamais le maître qui en possède plusieurs, il faut bien loger l'administrateur. Le coeur du domaine, c'est donc une forte maison - plus souvent qu'une vraie forteresse - avec ses dépendances pour les animaux domestiques et les récoltes, les cabanes de la population domestique, des jardins et des vergers. Charlemagne prescrit que l'on maintienne toujours dans les maisons "du feu et des gardes, pour qu'elles soient en sécurité".
Paysage typique cultivé depuis l'époque romaine : le coeur du village actuel est l'emplacement de la villa avec les tenures tout autour formant le manse. Lacassagne dans le Val d'Adour, aire urbaine de Tarbes, vue en paramoteur.
Que trouve-t-on dans ces "maisons" ?
Tout le matériel nécessaire au travail des champs et à l'élevage dans un quartier que l'on nomme la "cour" et qui bien entendu appartient au maître :
- le pressoir là où il y a du vignoble non pas seulement dans les terroirs vinicoles de grande qualité mais partout, car partout, on avait planté de la vigne même dans les Pyrénées pour obtenir l'infâme "piquette" !
- un ou plusieurs moulins sur les cours d'eau . Dans nos régions Il y en a eu pas mal car il fallait bien fabriquer la farine qui servait de base à l'alimentation. Mais attention :
Ce n'était pas celle que nous consommons, non, ce sont celles que les meilleurs boulangers d'aujourd'hui se servent pour la fabrication de pain gouteux et recherchés par les amateurs de très bons produits : millet, épeautre, sarrasin, seigle...
- les charrues, les chars, les tombereaux, les outils….
Les terres :
Elles sont réparties autour de la maison et même le plus loin possible sur les espaces défrichés.
"Autour de la résidence comme au large, il y a les terres que le maître fait travailler par ses hommes et dont il garde le profit. Ceux qui les cultivent sont aussi bien des paysans sans terre propre, que le maître entretient, que des tenanciers de terres tenus à des services sur celles du seigneur.
On parle souvent de la "terra indominicata", du "mansus domini".
C'est le "manse" du seigneur. Plus tard, on dira "la réserve".
C'est là que nous trouvons des granges, des greniers et des celliers pour abriter à la fois la récolte du manse et le produit des redevances payées en nature par les paysans pour leurs propres terres.
Une halle accueille parfois le marché. C'est aussi sur le manse du seigneur que se trouvent la plupart des ateliers artisanaux organisés pour la production de l'outillage de bois et celles des produits textiles et des vêtements, qui est l'affaire des femmes groupées dans le "gynécée".
Les hommes qui sont employés comme artisans, plus souvent serfs que libres, n'auraient pas le temps de travailler une terre : ils sont normalement entretenus sur le produit agricole du manse seigneurial. Les forêts et les étangs, parfois aménagés en viviers, sont normalement compris dans cette réserve. On en exploite le bois et les cendres, le seigneur y chasse et il autorise souvent les paysans à y conduire leurs bêtes, sous diverses conditions et moyennant redevances". (1)
L'organisation politique, sociale et économique repose sur un modèle où le maître est propriétaire de tout même de ceux qui travaillent pour lui. Il ne les paye pas, il les exploite en général mais il a l'obligation morale de les protéger et de les soigner, de les nourrir convenablement. Bien évidemment, ce n'est pas la règle partout et au fil du temps, la condition des serfs se dégrada.
Le servage ne fut définitivement aboli par Louis XVI, sur le domaine royal, qu'à la veille de la Révolution. Bernard de Labarthe fut un précurseur en la matière et les Baroussais en furent très tôt conscients. Les luttes ne cessèrent jamais.
A suivre
Jackie Mansas
31 août 2018
NOTES
1 - Jean Favier, Charlemagne, éditions Tallandier.
Lire sur les populations antiques des Pyrénées :
https://papyfoldingue.wordpress.com/2012/09/29/qui-sont-ces-vascons-du-val-daran-a-la-cote-atlantique/
En librairie de nombreux livres sur la toponymie renseignent parfaitement.
Sur les maladies héréditaires/génétiques/congénitales lire :
Ayant appris que des personnes indélicates se servent en les transformant, de mes articles à des fins personnelles, je me vois obligée de les faire protéger juridiquement.
RAPPEL :
https://www.adagp.fr/fr/droit-auteur/les-textes
Deux lois ont posé les grands principes du droit d’auteur :
- la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique ;
- la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.
Les dispositions de ces deux lois ont été intégrées au code de la propriété intellectuelle (« codifiées ») par la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992.
C’est aujourd’hui le code de la propriété intellectuelle, complété notamment par la loi « DADVSI »du 1er août 2006 et les lois « HADOPI » de 2009, qui constitue le texte de référence en matière de droit d’auteur.
>> Consulter le code de la propriété intellectuelle sur Légifrance.