Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...
Après la polémique, la discussion.
La restauration de la croix du Mombourg à Bertren, la pose d'une table d'orientation à proximité mais sur le territoire d'Izaourt et l'ouverture du sentier partant du bas de la côte de la Vigne ont déclenché une polémique sans précédent, à partir d'avril 2023. Elle s'est terminée, paraît-il, grâce à la dissolution de l'Assemblée Nationale en juillet 2024 !
Ben voyons...
Quinze mois de discussions inutiles sur l'origine et la construction de ce monument dont j'ai raconté l'histoire, maintes et maintes fois entendue dans mon enfance et mon adolescence.. (1)
Et c'est cela qui a tout déclenché !
On peut critiquer le travail d'une historienne à condition que ce que l'on reproche soit juste et vrai.
Quand on conteste, on essaie de rester humble et efficace. Blablater pour brasser du vent, pour faire du mal, pour rabaisser, pour salir, reste l'expression d'un mal-être profond et général.
On ne s'attaque pas à une historienne sans raison. Il y a toujours quelque chose derrière surtout quant c'est systématique à chaque évènement qui est suceptible de plaire au plus grand nombre et de réunir.
En fait, pour être plus précise, une atmosphère générale toujours en ébullition quand il se "passe quelque chose" de plaisant, doit faire réfléchir et se demander quelle en est la raison. Surtout quand des élections d'importance nationale se profilent à l'horizon. Il est plus facile pour des politiques de tous bords de faire campagne et pour ceux qui sont à l'origine de ce climat de haine bien entretenu, de faire passer leurs idées.
Le bouc-émissaire, le souffre-douleur, la tête-de-Turc, le mouton noir, l'exutoire, comme on veut, en général sur fond de racisme, de sexisme et de discrimination en particulier de genre sert
simplement d'arbre qui cache la forêt.
Tant que l'on projette sur lui tout le venin immonde que ces gens ont en eux, personne ne s'occupe des vrais problèmes, les groupes malveillants gagnent à tous les coups.
Il faut donc que je rectifie
certains points :
1- à propos de la croix : elle a été érigée à la demande de trois moines belges de l'ordre des Dominicains, venus faire une retraite au couvent de Gembrie. Ils ont disparu après avoir vécu ici pendant trois mois, sans prévenir personne de leur départ secret au petit matin.
Selon des sources récentes, ils auraient traversé la France avec l'assistance des réseaux de la Résistance pour retourner en Belgique. Ils n'ont laissé aucune trace de leur passage, pas même leurs noms de famille. Lorsqu'ils sont arrivés, il n'y a eu aucun enregistrement de leur séjour dans aucun registre et il est inutile de chercher : tous les documents relatifs au couvent sont actuellement introuvables. Personne ne se rappelle de leurs noms de religieux, j'ai entendu parler de 'Frère Boniface' pour l'un d'eux, mais la source n'était pas certaine. "Elle croyait que..."
Cependant avec le temps, les archives de tous les pays du vieux continent s'ouvrent au public alors peut-être que nous découvrirons un jour leurs noms. Peut-être.
Mais personnellement, j'en doute.
Pourquoi ?
Parce qu'un témoin (2) de leur départ précipité, ce fameux matin de très bonne heure, m'a raconté dans les années 1970:
- ''J'étais avec ma petite amie de l'époque ; nous étions dans les prés au-dessus du couvent où paissaient les moutons. Nous nous cachions derrière une haie et étions fort occupés lorsque nous avons entendu le moteur d'une voiture lancée à grande vitesse et qui venait de la direction de Sarp.
Une Traction Avant noire a fait irruption dans la cour du couvent et s'est arrêtée en faisant crier les pneus. Trois hommes vêtus de costumes un peu fatigués, de grosses chaussures et coiffés d'un chapeau, sont sortis précipitamment pour monter dans le véhicule qui a redémarré aussitôt en direction d'Antichan.
Nous n'avons rien compris à ce qu'il se passait, mais notre envie s'était évanouie, je peux vous l'assurer (sourire) ; nous avons eu peur car en ces temps de guerre, la mort rôdait toujours où l'on ne l'attendait pas.
Environ dix minutes plus tard, les gendarmes de Loures sont arrivés à petite allure ; ils ne semblaient pas pressés. Ils sont entrés dans le couvent puis en sont ressortis presque immédiatement pour repartir comme ils étaient venus.
Le soir venu, nous avons appris que les trois moines belges avaient disparu ; leur destination et les circonstances de leur départ restaient un mystère et le restera parce qu'en fait, personne ne savaient qui ils étaient".
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Ils ont choisi Bertren pour que la croix d'Herbe Rouge, au sommet du Gert à Troubat, et la croix du Pic de Cau à Gaudent, forment avec elle, un triangle visible la nuit depuis le ciel : elles ont été recouvertes de peinture blanche phosphorescente.
Je me rappelle avoir été réprimandée par un homme d'Izaourt qui surveillait ses moutons sur l'estive de la croix et des prés d'Escalamas parce que, "curieuse comme un pot de chambre" selon l'expression favorite de ma mère qui nous y avait amenées en balade (avant 1957), j'avais gratté la peinture qui s'écaillait par endroits pour voir ce qu'il y avait dessous et aussi pour la faire tomber !
Il me donna une tape sur les doigts et me dit : "Ne touche pas à ça, c'est du poison, tu veux mourir ? ". Et il sortit un mouchoir à carreaux de sa poche pour me nettoyer la main avec sa salive.
J'ai eu si peur de "mourir" que j'ai agité ma main jusqu'à ce qu'on soit rentrées toutes les trois à la maison.
Officiellement, ces croix devaient commémorer le retour des prisonniers, mais officieusement, bien sûr, c'est une autre histoire...
2 - Le Mombourg occupe une place importante dans le goulet de Luscan-Izaourt-Bertren, car il domine les trois vallées : le bassin de Loures-Barousse/Saint-Bertrand-de-Comminges, la vallée de la Garonne Marignac-Fronsac et la vallée de Barousse.
Sa position est stratégique et à l'époque, les maquis qui l'occupaient en permanence défendaient ce territoire crucial.
Il est donc évident que les SS de la Gestapo et les militaires des Kommandanturs voulaient s'en emparer. Mais ils n'y parvenaient pas, justement à cause des maquis, mais aussi et surtout à cause du relief qui leur était défavorable.
3 -Pour les nombreux polémiqueurs refusant le fait que ce soit deux ouvriers de l'entreprise de BTP Labardens et Francou qui ont construit ce monument et non pas le maçon du village avec ses propres ouvriers, il faut préciser qu' il n'y avait plus d'hommes assez jeunes au village et ailleurs : ils étaient tous prisonniers, sauf un seul, à Bertren, dont l'histoire est touchante, car il est mort au front à quelques jours de son 32ème anniversaire, Basile Cap.(3)
Il ne restait donc que quelques hommes non mobilisables, ayant dépassé l'âge et déjà "vieux" pour l'époque, soit cinquante ans et plus, des vieillards, des adolescents, des enfants, des bébés et les femmes.
Et deux hommes dans la force de l'âge, mon père Simon, âgé de 38 ans, et Conrado Badia, âgé de 24 ans. Ils n'étaient pas "des planqués", comme on me l'a jeté au visage assez méchamment d'ailleurs.
Je raconterai plus tard comment il s'est fait que mon père a été démobilisé en février 1940 et que Conrado, quoique français, n'a pas été appelé parce qu' il n'avait pas passé le Conseil de révision en 1939 mais il a tout de même passé une année dans un camp de jeunesse militaire...(4)
Quand on ne sait pas, on ne fait pas de commentaires.
Ils avaient tous deux travaillé pour l'entreprise de BTP du maire de Bertren, Jean-Marie Labardens et étaient "en congé" pour cause de baisse conséquente de contrats, conséquence de la guerre et de l'occupation.
Il leur avait confié ce travail délicat.
4 - Le maire n'avait jamais envisagé de faire appel à l'entrepreneur en maçonnerie du village, car ils étaient en conflit depuis qu'ils avaient dû collaborer dans les années 1920 pour la construction de l'hospice, opérationnel en 1936. Une obscure dispute au sujet de l'argent dépensé par Noêllie Sécail et qui s'était évaporé. Puis il existait entre eux des divergences politiques, car ils n'appartenaient pas au même parti (5).
Il était impensable qu'ils coopèrent ensemble, même pour le bien de la commune.
La veuve du maçon m'a dit à la fin des années 1980 :
- "Ne me parle pas de cette croix, je n'y suis jamais montée et je m'en porte très bien. Le maire était une belle ordure, ils nous a presque mis sur la paille, alors, on n'allait pas lui faire une fleur. Il n'a rien dit à mon mari, on ne se parlait plus depuis longtemps et puis, la croix, ce n'était pas dans nos idées".
Je n'ai evidemment pas insisté.
Son mari et elle étaient nés dans les années 1880/90, en 1943, le brave homme était considéré comme âgé et comme il avait travaillé durement toute sa vie, aurait-il pu suivre le rythme ?
Les autres hommes de son âge ont aidé uniquement sur le territoire du village et les femmes, jeunes, ont tout monté en haut. C'est d'une simplicité limpide.
Quatre groupes ont tout organisé :
- Raymond Castillon, Léon Forment, Louis Luchini, Mathias Nasarre, pour le matériel nécessaire, sable, ciment, sacs de jute, tombereaux, outils.
- Jeannoun et Roger Soulé, père et fils plâtriers pour l'entrepôt. Mais Le père était chargé depuis la grotte des résistants dans le Montégut côté Bertren, de surveiller le goulet Luscan /Bertren et de diriger les groupes de maquisards et de coursiers sous la houlette générale de Célestin Bon.
- Conrado Badia et Simon Mansas pour le ferraillage et le coffrage offert par le maire Jean-Marie Labardens ainsi que pour la fabrication du béton et le montage de la croix
- Jeanne Bon qui se chargea de diriger une forte équipe féminine rejointe le jeudi et les jours de vacances par les adolescents et quelques enfants tant filles que garçons pour :
* porter le matériel cité plus haut, l'eau, les sacs de ciment et de sable, de gravillons.
* récupérer au sommet de la croix le plus possible de cailloux pour la fabrication du béton
* remplir la citerne montée par les hommes jeunes et vieux d'abord par Bertren puis depuis la bergerie d'Ardoun appartenant à Célestin Bon.
* monter le ravitaillement pour les hommes travaillant toute la journée au sommet.
Des personnes des villages voisins d'Izaourt, d'Anla, d'Ilheu, de Luscan participèrent quand elles avaient le temps.
Les réunions se tenaient au café Castex aux Quatre-Chemins.
5 - Bien sûr, derrière cette belle aventure qui a rassemblé toute une communauté autour d'un même projet et où les femmes de tous âges ont joué un rôle important sous la houlette de Jeanne Bon née Lamoure, petite-fille Mansas, il y a bien d'autres choses.
Et malgré les cris et les injures à mon égard, il ne s'agit pas "de conneries" écrites et dites par "une femme complètement folle qui insulte les hommes en citant son diplôme".
C'est vraiment blessant, intolérable.
Je n'ai rien compris à l'histoire.
Il me semble que depuis bien longtemps, les différences de genre dans le domaine de la transmission du Savoir n'ont plus cours...
Si on pouvait m'expliquer....
Voilà, tout est dit.
Mais il faut absolument résumer cette partie de l'histoire de la Résistance dans les Pyrénées.
En premier lieu, regardons les photos et cartes postales de Gembrie et alentours pour mieux suivre.
Puis, vous allez voir, j'essaie de donner une explication logique.
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Résumons la situation à ce moment du récit.
Le témoin affirme que la voiture est partie en direction d'Antichan, alors que le chauffeur aurait pu se diriger vers Sacoué où deux familles constituaient le point de chute du maquis de Nistos-Esparros.
Cela signifie qu'à partir du pont de Gembrie, ils sont, soit allés vers Ilheu et ont emprunté la Débarrade, praticable à l'époque, pour se rendre à Bertren, puis ont suivi le chemin latéral vers Luscan, Barbazan, Cier de Rivière, etc., jusqu'à Toulouse après avoir rejoint un maquis qui aurait protégé les trois hommes.
Soit ils se sont dirigés vers le pont d'Antichan et de là, ont pris la direction de Créchets, Aveux pour être pris en charge immédiatement par le maquis de Nistos-Esparros, très actif dans le Montsacon et qui avait également établi des bases de repli à Aveux, Gaudent, Créchets, Sarp et
très, très important, à Saint-Bertrand de Comminges.
Je penche plutôt pour cette dernière version qui est plus efficace et présente moins de danger car les SS ne s'aventuraient jamais dans les montagnes.
Je suppose que lorsque les Allemands de la Kommandantur de Saint-Bertrand de Comminges et/ou de son annexe à la villa de l'Hôtel de France à Loures-Barousse, [siège également du Secours National ] et les SS de la Gestapo de Luchon apprendraient par les gendarmes que les trois hommes s'étaient évaporés avant leur arrivée au couvent de Gembrie, ils fouilleraient en priorité Sacoué et Gembrie.
Personne ne m'a jamais rien raconté, sur leur triste présence lors de patrouilles destinées à faire peur sauf une dame née en 1916 à Sacoué qui s'est contentée d'un "oui, ils sont venus 'mettre le bazar' une ou deux fois", sans plus. On peut raisonnablement supposer que ce fut une fois, probablement lors de la mort de leur espionne de Troubat exécutée par la Résistance sur l'ancien chemin vers le col d'Es Mortis et la seconde fois lors de la fuite des trois moines belges surnommés "les Pères Blancs". L'autre fois doit être ce fameux jour de la disparition des moines.
Ils n'appartenaient pas à la congrégation missionnaire des "Pères Blancs" qui avait pour habitude d'envoyer en retraite dans les Pyrénées les moines fatigués ou malades.
Non, ils portaient l'habit des Dominicains et étaient venus dans un but bien précis.
La première option de leur itinéraire était risquée car les Allemands patrouillaient sur toutes les routes de la plaine de la Garonne.
Pour expliquer l'attitude de la gendarmerie, mon témoin m'a dit :
"Nous avons toujours pensé que les moines avaient été prévenus d'une arrestation imminente ce jour-là.".
Tous les réseaux de la Résistance en Belgique, dirigés par le gouvernement belge en exil à Londres, coordonnaient leurs actions avec ceux des Pyrénées pour aider à l'établissement dans les villages des réfugiés du Nord de l'Europe en attendant la fin de la guerre, ainsi qu'à la fuite à travers les montagnes de ceux qui voulaient rejoindre l'Espagne. (6)
Un fort mouvement de prise en charge de familles juives suivait les réseaux de Monseigneur Salièges que ce soit en Belgique mais aussi aux Pays-Bas. (7)
On sait désormais que les gendarmes de Loures, comme la plupart dans la région, collaboraient étroitement avec la Résistance par l'intermédiaire des jeunes coursiers. (8)
Il était donc évident que les trois hommes avaient été informés qu'ils devaient partir très vite. Le conducteur de la Traction Avant devait être un membre du maquis et il s'est simplement rendu à Saint-Bertrand de Comminges par l'ancienne route de Créchets à Aveux et de là par des sentiers antiques qui avaient été rendus carrossables pour l'exploitation des forêts de la montagne du Montsacon (9).
A Saint-Bertrand de Comminges,
lieu hautement stratégique et siège d'une importante garnison de la Kommandantur,
le maquis local, une branche de celui de Nistos-Esparros augmentée de ceux du Comminges, a dû prendre en charge les trois hommes et de réseau en réseau, ils ont été reconduits vers la Belgique .
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Cette hypothèse est une supposition malgré les confidences d'un maire de la Vallée, (actif auprès de la Résistance locale durant la guerre) en 1976, il me semble.
Je l'ai rencontré dans sa mairie, très souvent car il était un homme très érudit. Il avait des centaines d'anecdotes à raconter avec une verve et une justesse incroyables. A lui tout seul, vu son âge avancé à l'époque, il était une bibliothèque incroyable !
De plus, lui comme la plupart des maires de Barousse, m'ont accueillie avec une gentillesse infinie, ils étaient plus ou moins âgés. Certains toutefois, telle la première femme élue de l'histoire de la Vallée, étaient jeunes. Mais tous étaient très investis dans leur charge et ils m'ont manifesté un respect et un soutien absolu !
A cette époque, on ne reprochait pas aux femmes de vouloir étudier le passé pour le transmettre. Elles n'avaient pas tous les défauts de la Terre ! Bien évidemment, il existait des groupuscules arriérés... pour penser le contraire.
Jalousies sans aucun fondement, problèmes psychiatrique, mal-être de classe et/ou de genre ?
La guerre des genres n'existait pas encore comme elle se manifeste aujourd'hui.
Un retour en arrière malheureux mais bon, il y a des générations qui vieillissent mal...
Lors de notre dernière rencontre, il m'a confié sur le ton de la confidence après m'avoir fait promettre de ne jamais rien dire, ce qu'il savait sur "l'affaire des croix".
Aujourd'hui, je romps la promesse car le danger que les collaborateurs faisaient courir sur les Résistants jusque dans les années 90, a changé de visage.
Il est encore plus dangereux actuellement d'accord, car les sympathisants des idées de haine sont désormais aux portes du pouvoir.
Aussi est-il inutile de tenir une promesse qui empêche la connaissance de faits importants de la seconde guerre mondiale surtout en ce qui concerne le courage des trois "moines" et de leurs "complices" en Barousse pour servir la cause des Alliés.
Voici donc ce qu'il m'a confié :
"Vous avez sûrement entendu parler des moines de Gembrie qui sont arrivés de Belgique pour construire les croix et surtout celle de Bertren"
- oui bien sûr, les dames de Bertren ne cessent pas de raconter cette histoire.
- Oui parce qu'elle représente beaucoup pour les familles qui avaient un mari ou un père ou un frère prisonnier en Allemagne. Et pour celle du pauvre Basile Cap, mort sur le front...
Mais je vais vous raconter la véritable histoire. Ces trois hommes, des moines, sont venus en Barousse car ils faisaient partie d'un réseau de Résistance dirigé depuis Londres par le gouvernement belge en exil et par les Alliés.
En Barousse, les maquis avaient des difficultés à être approvisionnés à cause des trous d'air qui pouvaient à tous moments envoyer l'avion sur la falaise de Troubat, ô combien dangereuse ! (10)
Vous pouvez le voir encore mais la forêt n'occupe que le haut des montagnes, le bas est cultivé, un peu moins de nos jours (années 1975) mais à l'époque, c'était tellement clair, que les pilotes ne pouvaient rien larguer sans que le lieu ne soit vite repéré par les yeux aux aguets et aussitôt volés.
Il n'y avait rien qui pouvait les aider et la Résistance locale manquait d'armes et de munitions. Les premiers larguages avaient été volés parce qu'ils avaient atterris à découvert et non dans le quartier de l'Arriouach entre Samuran et Ilheu où il y a encore de nos jours de grandes clairières."
Je l'écoutais absolument passionnée.
" D'où l'idée de signaler aux avions venant de l'ouest (au-dessus du Montsacon), le territoire où ils pourraient larguer leur cargaison. Des feux invisibles depuis les villages et surtout de la route signalaient l'endroit exact. Pour que les trois croix puissent être visible du ciel, elles avaient été peintes avec une peinture phosphorescente à base de soufre.
C'est pour cette raison que les moines sont venus. Et ils ont réussi.
- Qui était au courant ?
- les prêtres du couvent et de la vallée car tous ont caché des réfugiés, des juifs et ceux de Loures, Sost et Esbareich, Mauléon-Barousse ont aidé en plus les passeurs pour l'Espagne.
Votre grand-mère Catherine ne vous a pas raconté ? Elle était la bonne du curé-doyen de Mauléon chef local du réseau de Monseigneur Salièges ; c'est elle qui prenait en charge au presbytère les réfugiés et les jeunes qui voulaient passer en Espagne. Brave Catherine ! Quelle courage elle avait, cette petite bonne femme !
- Elle est morte en novembre 1956 chez nous à Bertren mais comme elle était malade, on la laissait tranquille. Il était interdit de la fatiguer ; et comme on ne la comprenait pas...
- Ah ça ! il fallait suivre, mais c'était une très brave femme, courageuse et honnête. C'est dommage qu'elle ne vous ait rien raconté."
Là, je fais un aparté : nous étions des petites filles très en forme pour jouer du matin au soir, notre frère n'était pas né et comme maman nous laissait totalement libres, à part qu'il était interdit de nous éloigner sans l'avertir, je peux vous assurer que nous ne devions être à l'intérieur que pour les repas et pour dormir...
- Mais à partir du moment où la croix de Bertren a été debout, il n'y a plus eu de problèmes pour le ravitaillement.
- Et les voleurs ?
- Une fois repérés et pris sur le fait, ils sont devenus subitement très honnêtes et très discrets en plus...!"
J'appris aussi que seuls les maires de Bertren, de Troubat, de Gembrie et de Gaudent étaient au courant. Bien sûr, ceux qui oeuvraient auprès de la Résistance locale aussi mais apparemment, ils n'étaient pas nombreux à savoir. Ils ont bien gardé le secret car, comme tout un chacun, après la promulgation du décret de 1946, ils eurent une peur bleue, mais vraiment une peur panique, des anciens collaborateurs qui ne furent jamais inquiétés.
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J'avais promis, je me suis tue. Maintenant, le temps a passé, l'eau a coulé sous les ponts et je pense que la parole doit être libérée. On doit rendre à Cesar ce qui est à César, donc la vérité sur ces gens extraordinaires qui ont risqué leur vie pour que la nôtre soit belle. Que le Bien gagne sur le Mal absolu et le chasse.
Cela est arrivé mais tout le monde sait que rien n'est gagné : le Mal est sournois et revient toujours. A nous de le combattre.
Jackie Mansas Cinotti
20 février 2025
A suivre : les moines de Gembrie
Je n'ai pas réussi à mettre le lien vers le premier article qui est "la croix du Mombourg" dans "Patrimoine oublié" à la date de décembre 2015. Si vous voulez le lire, tapez dans Rechercher l'intitulé ci-dessus et vous serez redirigé vers l'article. Ou bien cliquer dans "Catégories" sur la page d'accueil : culture et société pyrénéennes.
NOTES
(1) les habitants de Bertren ayant connu cette période
2 - devenu maire de son petit village dans les années 1960/70
3 - Famille Cap : il a été tué à la veille de son anniversaire en Belgique en mai 1944.
4 - registres matricules uniquement consultables aux Archives Départementales car mon père était né en 1905 et Conrado en 1919
5- à l'époque les radicaux-socialistes avaient du mal à s'entendre avec les communistes
6 - voir La Résistance en Belgique sur les sites belges
7 - voir archives et livres sur ces réseaux
8 - le fils d'un résistant de Bertren
9 - voir les cartes anciennes
10 - les avions de cette époque n'ont rien à voir avec ceux d'aujourd'hui mais les trous d'air restent des trous d'air bien sûr