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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


Encore une histoire de crue mais au temps des Vandales dans nos Pyrénées pour finir l'année... 2

Publié par Jackie Mansas sur 31 Décembre 2017, 13:00pm

Catégories : #Culture et société pyénéennes

Encore une histoire de crue mais au temps des Vandales dans nos Pyrénées pour finir l'année... 2

LES BARBARES

ET LE GOUFFRE DE SAOULE

 

Juin 408 : les Vandales pillent Lugdunum 

 

2

 

 

Il fallait prendre des mesures et partir le jour même en emportant le maximum de biens, de vivres et tous les animaux. Il fallait évacuer les villages en amenant les vieillards et les malades le plus vite possible et surtout, surtout cacher au plus profond des forêts toutes les femmes et les jeunes filles qui capturées, seraient violées, les plus laides tuées si elles étaient âgées. On pouvait espérer qu’ils libèrent les plus jeunes mais elles seraient engrossées de bâtards blonds. Ils emmenaient les plus belles pubères et s’en servaient comme objets sexuels lors de fêtes aussi indignes que les orgies romaines ! On n’avait plus que quatre jours au maximum avant que la troupe n’arrive à Lugdunum. Il fallait détruire les barges et les pontons des ports et le maximum d’ouvrages. Et surtout ne pas laisser les moindres vivres dans la ville afin que les Vandales ne puissent se nourrir et décident de lever le camp.

 

 

Il réalisa que ses interlocuteurs ne comprenaient pas ce qu’il disait ! Car ce qui importait le plus à Marcellus en ce moment, c’était la position de son épouse qui, pliée en deux, se tenait le ventre en grimaçant ce qui la rendait encore plus hideuse. Il ne se sentait pas bien lui non plus et un coup d’œil sur ses amis le conforta : ils étaient tous dans le même état mais ça allait passer avec le bouillon de légumes… L’évêque les regarda effaré et pensa :

 

- Mais ce n’est pas avec ça qu’on va sauver l’Empire et surtout Lugdunum !

 

Depuis un bon moment, il avait des haut-le-cœur car une mauvaise odeur qui ne semblait gêner personne empuantissait la pièce mais il n’y avait pas fait attention plus que ça. Pourtant, lorsque cela devint insupportable, il réalisa que cette effluence venait d’Antonia. Il remarqua qu’elle souffrait mais ne put s’empêcher de grogner à son oreille, tout en bloquant sa respiration :

 

- Antonia, je t’en supplie, arrête de péter, on ne peut plus respirer !

 

- Je ne peux pas, j’ai très mal au ventre !

 

- Alors, sors dans l’atrium et soulage-toi ! Mais par pitié, épargne-nous tes flatulences ! On va tous en mourir et tu en seras responsable...

 

- Et bien au moins, vous n’aurez pas à subir les massacres des Barbares, votre mort n’en sera que plus douce !

 

- J’en doute fort ! C’est un calvaire que de respirer à côté de toi !

 

 

Marcellus et ses amis éclatèrent de rire mais ils se turent vite car le regard que leur lança l’évêque fut plus qu’éloquent. Ce fut Saturnus le riche propriétaire des boucheries de la ville qui lui répondit :

 

- Ne vous en faites pas mon père, retournez dans votre église et reposez-vous car vous paraissez fatigué et bien trop énervé. Nous nous occupons de tout, la situation n’est pas si grave que vous le dites, ce ne sont pas quatre ou cinq barbares qui vont nous faire peur, notre garnison est bien fournie.

 

 

L’évêque sortit furieux de la domus suivi des militaires qui montraient eux aussi un visage renfrogné : ces Romains étaient aussi pénibles que les sept plaies d’Égypte ! On ne pouvait rien leur dire, les discussions tournaient court, ils étaient incapables de prendre des décisions tellement leurs cerveaux étaient ramollis par l’alcool et la bonne chère !

 

 

L’évêque décida de réunir tous les esclaves de la cité, tous les Convènes libres et non-libres et que, sans attendre une autorisation quelconque de ces Romains décadents, ils allaient fuir vers la haute montagne avec au moins les animaux ! Il fallait former des convois de chariots tirés par les bœufs et les remplir des récoltes de l’année et autres denrées qui ne devaient en aucun cas tomber aux mains des Barbares ! Moins il y aurait de vivres dans la ville, plus vite ils partiraient.

 

 

La population se réunissait déjà sur le forum alors que les cloches des églises appelaient les fidèles à rejoindre les religieux et l’évêque s’apprêtait à haranguer la foule qui devenait de plus en plus dense lorsqu’un remue-ménage se fit entendre du côté de la grande rue qui menait aux thermes. On vit le groupe des riches romains, hommes et femmes, marcher dans un état encore semi comateux et l’évêque, pensant qu’ils avaient compris le désastre imminent et qu’il fallait réagir, commençait à se réjouir de leur arrivée lorsque Marcellus, hilare, lui annonça qu’ils se rendaient aux thermes prendre un peu de bon temps dans le caldarium afin de soulager leurs corps douloureux et leurs migraines !

 

 

Les femmes arboraient le même visage qu’Antonia, à savoir : maquillage en détresse et vêtements froissés, salis, mal remis sur leurs corps déformés. Tous semblaient avoir des problèmes digestifs car l’odeur qui les suivait était fort désastreuse !

 

 

Les paysans et les esclaves osèrent s’esclaffer en les voyant s’éloigner et un petit malin se permit de demander à un jeune homme vêtu d’un grand tablier blanc retombant sur ses pieds car beaucoup trop grand pour sa taille :

 

- Il y avait une orgie hier soir chez ton maître, on le sait, on a entendu la musique et les rires toute la nuit. Mais pour qu’ils soient tous dans un tel état, que leur avais-tu préparé comme mets ?

 

L’homme le regarda étonné par la question mais répondit tout de même en comptant sur ses doigts :

 

- Du porc au miel et aux épices, des fricassées de canard à la coriandre, des pâtés de hure de sanglier et du foie gras en grande quantité que j’avais fumé et posé entre de grandes tranches de pain rassis avec bien entendu du miel de romarin.

Pourquoi me demandes-tu cela, j’ai cuisiné pour un banquet normal !

 

Tout le monde s’esclaffa lorsque le petit malin jeta :

 

- Tu as sûrement servi autre chose car tous, ils n’arrêtent pas de péter depuis ce matin ! Leurs ventres sont tendus et ils vont finir par éclater !

 

Une femme qui avait l’air d’avoir une dent contre ses maîtres, s’exclama avec force tout en regardant autour d’elle guettant l’approbation du public :

 

- Tu as si bien cuisiné qu’ils vont se baigner pour digérer, tu as eu la main lourde sur quelque chose et tu ne veux pas nous le dire !

 

Un autre surenchérit :

 

- Tu as trouvé la solution pour fabriquer des bulles dans le caldarium ou dans le frigidarium !

 

Et une femme toute courbée par l’âge ajouta, enfonçant le clou ce qui déclencha l’hilarité générale :

 

- Tu vas devenir un héros, tu mets des Romains dans l’eau et elle bouillonne ! Tu as inventé la piscine à bulles !

 

Le cuisinier les imita et confia un tantinet embarrassé :

 

- Je crois que j’ai un peu trop forcé sur les choux et les pois chiches rôtis dans le miel !

 

Le cuisinier de Marcellus s’exclama :

 

- Je parie que tu as mélangé des choux sans les blanchir avec des pois chiches que tu n’avais pas mis à tremper dans de l’eau toute la journée ! C’est cela que tu as cuisiné ! Mais c’est de la folie ! Ils vont passer leur temps sur les latrines ! Je parie encore que tu as fait rôtir ces légumes dans du miel avec des épices sans doute ! Tu as forcé sur la coriandre ! Et tu as sans doute servi les viandes avec ce mélange ! Ils vont éclater !

 

- Cela n’est pas grave répondit le soldat qui était venu porter la nouvelle, nous allons profiter de leur absence pour partir, ils nous rejoindront quand ils auront dessoûlé et digéré, ça leur apprendra. Je ne les plains pas, ce que j’ai vu à Murellum m’incite à penser que nos seigneurs sont responsables des maux qui s’abattent sur nous ! Aussi, nous allons former des convois et partir avant ce soir.

 

 

La foule se dispersa chacun regagnant au plus vite sa maison pour préparer le départ. On devait vite atteler les bœufs aux chars et aux tombereaux après les avoir remplis des vivres et des premières récoltes entreposées dans toute la cité. Il fallait en premier lieu mettre à l’abri les coffres remplis d’or, de bijoux, d’épices, de riches vêtements des maîtres qui pourraient, si besoin s’en faisait sentir, servir de monnaie d’échange avec les cruels Barbares ! Le plus long et le plus fastidieux serait de réunir les animaux, de confiner les volailles et les lapins dans des cages et de caler les porcs dans les tombereaux car sentant la peur chez les humains, ils n’allaient pas se laisser mener facilement ! Les moutons, les chèvres et les bovidés suivraient, il suffirait de quelques jeunes esclaves pour les diriger. On mélangeait tout le monde, plus de maîtres, plus d’esclaves, plus de différences : les richesses étaient désormais à tous !

 

 

Le jeune cuisinier marchait avec les autres quand une femme d’âge mûr, servante dans une auberge, les yeux malicieux et le sourire aux lèvres lui demanda assez fort pour que tout le monde entende :

 

- C’est ton maître qui t’a mis au fourneau hier parce qu’il n’avait personne d’autre, pas vrai ? Que fais-tu dans la villae ?

 

Le jeune homme sans se douter du piège répondit avec franchise :

 

- Depuis toujours, je m’occupe de la barbe du maître, enfin, des barbes…

 

- Il en a plusieurs ?

 

- Et oui ! Une sur le visage et une entre les jambes !

 

 

A ce moment-là, la foule oublia les Barbares, la décadence des Romains et des rires tonitruants se répandirent sur la ville. Les masseurs et les esclaves officiant dans le tepidarium des thermes sortirent en courant pour connaître les raisons d’une telle allégresse. Ils joignirent leurs ris à ceux des Convènes puis les accompagnèrent abandonnant leurs riches clients à leur sort. Le cuisinier-barbier ne savait pas faire la cuisine, il avait mélangé les légumes, les épices et les viandes et rendu malade toute la bonne société de Lugdunum ! On le porta en triomphe et on lui fit faire le tour du forum qui se vida rapidement lorsque les soldats de la garnison vinrent ordonner de regagner les habitations et de préparer le départ : lorsque le soleil serait déclinant vers le Mont Sacon et que l’ombre de la montagne s’étalerait sur le Pujo en face sur l’autre rive de la Garonne, la ville devait être déserte !

 

 

Pendant que les maîtres barbotaient dans les différentes piscines puis s’allongeaient sur les lits de repos entre deux passages dans les latrines, les Convènes aidés par les soldats et les religieux formaient un long convoi de chars et de chariots tirés par les bœufs et les chevaux, les tombereaux, les voitures. On y entassait sans ménagements ceux qui ne pouvaient marcher, les troupeaux où toutes les bêtes se mélangeaient mais les jeunes esclaves veillaient à les garder dans le droit chemin.

 

 

Le convoi s’ébranla alors que le soleil disparaissait derrière le Mont Sacon vers la route qui menait jusqu’aux hautes montagnes dominant le tout petit village des mineurs de fer que l’on appelait Herero. On occuperait également ceux d’Orda et d’Es Bareit bâtis tous les deux à l’extrémité de plateaux riches et verdoyants. Puis on couperait les routes après que les maîtres auraient rattrapé le gros des troupes ce qui de l’avis de tous, n’était pas pour demain mais le chef Convène assura qu’il irait les chercher et qu’ils le veuillent ou non, ils marcheraient. Tout le monde s’esclaffa car vu leur embonpoint et leur paresse, ils mettraient au moins huit jours pour les rejoindre.

 

 

Un étrange silence régnait sur la cité et les villages alentours lorsque les Romains sortirent des thermes en meilleur état que lorsqu’ils y étaient entrés mais toujours aussi fatigués.

 

 

En ayant toutefois beaucoup de mal à déplacer leurs lourdes carcasses, chaque couple regagna sa domus et ressortit en criant d’étonnement et de désespoir vu que tout avait disparu à l’intérieur. Il ne restait rien, même pas un bout de pain pour apaiser leur faim. Ils se retrouvèrent devant le forum se demandant ce qu’il allait advenir d’eux la nuit prochaine. Il n’y avait plus personne pour s’occuper de leurs personnes et ils se trouvaient perdus, effrayés par l’absence totale de bruits humains. Ils réalisèrent soudain que tout le monde était parti vers les montagnes qu’ils devinèrent dans la nuit tombante et les femmes s’effondrèrent en larmes. Devant l’immense gâchis de ce dernier jour, Marcellus décida de prendre en mains leurs destinées pour cette nuit.

 

- Je propose que l’on aille se réfugier dans la basilique et que l’on y passe la nuit tous ensemble. Demain, dès l’aube on prendra le chemin vers là-haut…

 

Il regarda, perdu, l'horizon vert et blanc des montagnes...

 

Et dire que la veille, à la même heure, ils s’amusaient comme des fous avec des jeunes nubiles des deux sexes qui savaient leur procurer un immense plaisir ! Ce dont ils ne voulaient pas se passer quelques fussent les événements prochains…

 

 

Dormir à même le sol dallé de l’autel n’avait pas été très confortable et ils se réveillèrent le lendemain courbaturés et affamés. S’il leur avait été à peu près facile de coucher leurs corps empâtés, il n’en fut pas de même pour les relever ! De plus, aux reliquats des coliques de la veille s’ajoutaient les gargouillis de la faim du matin !

 

 

C’était bien la première fois de leurs vies de riches oisifs qu’ils se trouvaient dans une situation aussi embarrassante et déstabilisante : pas de lits douillets, pas de serviteurs, pas de déjeuners conséquents et personne d’inférieur à qui faire des reproches pour bien commencer la journée.

 

 

L’aube venait de pointer son nez et quelques lueurs éclairaient la nef lorsqu’ils ouïrent des bruits de pas résonner sur les dalles. Ils reconnurent les Convènes accompagnés des soldats de la garnison et furent rassurés sur leur sort mais aucun d’entre eux ne se doutait alors que leur calvaire commençait.

 

 

Lorsque les Convènes les eurent rejoints, ils ne virent qu’un groupe de femmes et d’hommes défraîchis, fatigués, ayant perdu de leur superbe et ils ne purent s’empêcher de leur manifester leur ressentiment tout en les poussant sans ménagements hors de l’église. Le chef les fit encadrer par une escouade de guerriers aguerris à la lutte et de quelques soldats qui s’étaient joints à eux.

 

A suivre

 

Jackie Mansas

31 décembre 2017

 

Citations sur la décadence : pour et contre

 

"J'aime les ragoûts littéraires fortement épicés, les œuvres de décadence où une sorte de sensibilité maladive remplace la santé plantureuse des époques classiques. Je suis de mon âge".

Mes Haines (1866) de Emile Zola

 

"La décadence d'un empire commence au moment où l'oppresseur est assez puissant pour forcer la justice au silence".

Guillaume de Malesherbes

 

"La cuisine française est en pleine décadence qui, sur des tables fort réputées, substitue de plus en plus souvent à la traditionnelle purée, morceau de bravoure de Joël Robuchon, des pommes de terre écrasées par un tracteur perdant son huile".

Philippe Bouvard 2005

 

 

Pour méditer sur la décadence des peuples qui entraine la disparition des civilisations. Mais il en reste toujours quelque chose un jour ou l'autre.

 

 

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