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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


Encore une histoire de crue mais au temps des Vandales dans nos Pyrénées pour finir l'année... 3

Publié par Jackie Mansas sur 7 Janvier 2018, 21:09pm

Catégories : #Culture et société pyénéennes

Encore une histoire de crue mais au temps des Vandales dans nos Pyrénées pour finir l'année... 3

 

Nous sommes en 408, au mois de juin plus précisément, (1) et les Vandales accompagnés des Alains et des Suèves ravagent le "pays" de Tolosa et de Murellum. 

 

 

Lugdunum est en émoi, enfin, pas tout le monde... Les riches gallo-romains continuent de bambocher sans aucune inquiétude, mais l'armée et l'évêque prennent les choses en mains : ils partent tous vers la haute vallée des ousses (2) où ils seront à l'abri car elle est impénétrable.

 

                                                 &

 

 

De Lugdunum désertée jusqu'au goulet de Sarp, il n'y avait que 3 lieues mais ce matin-là,  la route  ensoleillée et parfumée à souhait qui en temps ordinaire donnait à qui l'empruntait une joie enfantine, paraissait aux Romains obligés de marcher vers les hautes montagnes .... une redoutable aventure. 

 

La caserne apparaissait dans le champ de vision du chef Convène guidant le groupe de riches romains décadents lorsque un remue-ménage inhabituel dans le silence du matin les fit sursauter et les paniqua. Parce que ce bâtiment aurait dû être en partie déserté depuis la veille au soir, il n'aurait dû y rester qu'une petite poignée de soldats. Mais ce n'était pas eux qui faisaient un boucan pareil, non, c'était une dizaine de jeunes Romains, "fils-à-papa" assez arrogants des notables de la cité, qui se trouvait aux prises avec les quelques soldats de la Légion Convenarum présents en ce lieu. Pourquoi se trouvaient-ils là ?  Ils devraient être partis depuis la veille au soir comme il en avait été décidé avec la population sous l'égide de l'évêque.

 

 

Le centurion de la garnison hurlait sans que personne ne l'écoute : les jeunes étaient vraiment très énervés et n'hésitaient pas à lancer quelques horions aux légionnaires qui les paraient du mieux qu'ils le pouvaient.

Le militaire paraissait fatigué et ne hurlait que parce qu'il ne savait faire que cela tout en essayant de se tenir droit. Les soldats ne semblaient pas eux non plus, en bon état de marche.

 

Lorsque les "galloros" (3) en "mauvaise santé" marchant difficilement, soufflant, en sueur et traînant la patte, virent l'altercation, ils reconnurent immédiatement leur progéniture et se précipitèrent vers elle bousculant tout le monde... mais ne purent franchir le barrage des Convènes qui les encadraient.

 

Personne n'aurait pu croire cela possible mais devant la détermination des gardes, tout le monde se tut brusquement et le silence, un silence de mort, envahit tout l'espace. Les jeunes excités reculèrent devant les lances des montagnards qui leur faisaient face. 

 

Le chef Convène, Biturix (4), artisan forgeron de son état,  un homme trapu à la chevelure hirsute et à la moustache conquérante mais dont la carrure faisait peur, demanda ce qu'il se passait. Il y eut soudain, un brouhaha que ses hommes calmèrent bien vite.

 

Il avait compris la situation et la rage lui fit battre le cœur comme un marteau sur l'enclume. Il leva la main et le claquement de la gifle sur la joue du centurion surprit tout le monde. L'homme tomba à terre et ne se releva pas. Il n'était que légèrement assommé mais n'avait strictement pas envie de poursuivre une conversation qui s'annonçait rude....

 

Biturix se calma un peu et exigea des explications. Comme personne ne répondait, il fit signe à l'un de ses hommes de se saisir d'un jeune homme aux cheveux blonds bouclés qui dominait le groupe de sa haute taille.... Il l'obligea à s'agenouiller devant le chef Convène. Le jeune, aux 18 ans conquérants, n'en menait pas large et tremblait comme une feuille au vent. Biturix le reconnut comme étant citoyen de la ville mais ne se rappela pas à quelle famille de nobles il appartenait... Il posa la question rudement et le garçon, habitué à plus d'égards, le fixa avec arrogance sans lui répondre ce que Biturix n'apprécia pas. Et bien évidemment, le résultat qui en découla étant plus que prévisible, une redoutable gifle colora en bleu sa jolie joue rose où le duvet doré du matin s'étalait... Alors, pour arrêter la main qui s'apprêtait à se rabattre sur sa jumelle, il cria :

- Je suis le fils de Saturnus, le boucher du forum...

 

Biturix ricana méchamment, Saturnus n'était pas de ses amis car il avait l'habitude de payer mal ou plus généralement de ne pas payer tout animal qui paraissait - à ses yeux - non conforme aux règles d'apparence que lui, parce qu'il était riche et puissant, avait fixées....

 

Il s'était attiré bon nombre d'inimitiés qui allaient sûrement se régler là-haut dans les montagnes...

 

- Bien, bien, que fais-tu devant la caserne à cette heure avec tes amis et où étiez-vous hier ? Les Barbares arrivent sur Lugdunum, partout où ils sont passés, le sang coule à flot, notre monde s'effondre, la population est partie hier se réfugier dans les montagnes et vous, les oisifs inutiles, vous étiez où ? Bien sûr, en train de vous saouler et de maltraiter nos jeunes filles ? N'est-ce pas ?  Alors où étiez-vous ? Mais réponds, imbécile nuisible !

 

Le garçon tremblait tellement qu'une odeur d'urine se répandit : la peur le faisait s'oublier devant ces hommes en colère...

- On était chez Maquerix....

 

Biturix l'interrompit brusquement et le garçon protégea son visage de son bras replié :

 

- Ne sois pas aussi couard, je ne vais pas te battre bien que l'envie m'en démange fortement ! Chez Maquerix ? Tu veux dire chez le marchand d'esclaves de Tolosa qui vient soi-disant se reposer de son dur,  dur labeur dans sa domus, ici, chez nous, en pays Convène.... 

 

Biturix était en colère mais pourtant, il se radoucit en ne laissant voir que l'éclat de ses yeux qui n'était que danger :

 

- Laisse-moi deviner : il est arrivé il y a une lune et il voyageait dans une grosse voiture fermée... Des jeunes esclaves à la peau sombre y étaient cachées, pas vrai ? Il les amenées jusqu'ici pour vous les offrir .... parce qu'elles ont la peau sombre, elles ne sont rien pour vous n'est-ce pas ? Que des proies, des objets, des riens du tout...

 

Biturix se souvenait de sa jeunesse où il était de bon ton de courir après les filles qui les narguaient jusqu'à ce qu'ils comprennent que pour obtenir un petit quelque chose d'elles, il fallait savoir les convaincre de leur savoir-faire en matière d'amour.... mais jamais, au grand jamais, il n'en avait maltraité et forcé une seule : la loi interdisait de les considérer comme des biens ... 

 

La rage l'étouffait : ON avait dit que TOUTE la population habitant en ces lieux du pays Convène devait être partie vers les hautes montagnes la veille au soir...

ON avait laissé les nobles décadents mais ON avait décidé de les surveiller afin qu'il ne leur arrive rien durant la nuit et ON les accompagnerait le lendemain, donc ce matin, afin de les mettre à l'abri car même s'ils étaient responsables de la situation de guerre actuelle, ils avaient le droit d'être sauvés comme les autres....

 

Et il fallait que ces jeunes inconscients désobéissent aux ordres d'évacuation TOTALE !

 

Mais s'ils étaient restés la nuit dernière alors que Maquerix s'était joint TOUT SEUL au convoi, qu'avaient-ils fait des jeunes esclaves ? 

 

La rage l'étouffa et il cria du plus fort qu'il put, ce qui eut pour résultat qu'instinctivement, tous se bouchèrent les oreilles 

 

- Où sont les filles ? Où les avez-vous laissées ? Vous les avez tuées ou oubliées dans un  sale état ? Réponds imbécile dont je ne connais pas le nom !

 

Le jeune balbutia :

 

- Claudius... On les a enfermées dans le tablinum....

- Dans quel état ? On sait comment se terminent vos orgies !

- Elles peuvent encore marcher, mais on a pensé qu'elles feraient l'affaire des Vandales, si on les leur vendait !

 

Biturix suffoqué par tant de mépris et d'indifférence leva le bras vers le visage du garçon mais ce ne fut pas une gifle qui partit plutôt un coup de poing bien ajusté sur le nez et la mâchoire .... On entendit un craquement suivi d'un grand cri de douleur puis le bruit du corps tombant sur le pavé de la cour de la caserne...

 

Olivia Saturnus tenta de se précipiter sur son fils mais un garde Convène lui fit un croc en jambe et elle s'écroula de tout son long... 

La scène était irréelle, personne ne disait rien et le silence humain permit d'entendre le chant des oiseaux.

 

Biturix secoua le centurion qui faisait semblant de dormir sur le sol pour n'avoir rien à faire, l'obligea à se relever et lui commanda grossièrement :

 

- Tu n'es qu'une ordure de latrine ! Tu devais avec tes hommes rester à la caserne pour nous avertir, nous qui surveillions la cité afin que ces pourceaux puissent dormir en paix, si un danger nous menaçait. Au lieu de cela vous avez fait la fête alors que les Barbares sont à quarante lieues, dans trois jours au maximum, ils seront ici et vous, qui êtes là pour protéger la population, vous faites la fête ? Vous vous saoulez comme des porcs que vous êtes ! Au travail ! Allez jusqu'à la domus de Maquerix et ramenez les esclaves, tout de suite !

 

Il détacha son fouet de sa ceinture et le fit tournoyer au-dessus de lui déclenchant la débandade chez les soldats qui partirent en courant vers le forum.

 

Antonia ayant retrouvé son caquet, l'apostropha :

 

- Tu te crois le plus fort parce qu'aujourd'hui toi et tes hommes peuvent nous commander ! Mais attends que nous soyons rendus à Herero et à Orda et tu vas le regretter, je peux t'assurer que j'y veillerai personnellement ! Tu dois nous respecter parce que nous sommes les maîtres et tu finiras bien par te mettre à genoux devant Claudius que tu as insulté ! Que veux-tu que nous fasse le destin des esclaves : elles sont là pour notre bon plaisir et nous pouvons faire d'elles ce que nous voulons...

 

Biturix n'en revenait pas : cette grosse femme laide et malodorante se permettait de lui montrer sa morgue alors qu'il voulait la sauver ?  Il ne lui répondit pas, elle n'en valait pas la peine.... et lui tourna le dos !

 

Le silence retomba, pesant, alors que la chaleur du soleil commençait à agacer les peaux...

 

Les légionnaires romains apparurent soudain portant des jeunes filles inconscientes. Il les déposèrent aux pieds de Biturix abasourdi : sur cette place, au milieu d'eux, quatre jeunes africaines se mouraient des tortures de la nuit, des viols répétés, des coups portés adroitement pour perforer la peau...

Le centurion, complètement réveillé maintenant, qui avait quelques notions de médecine le renseigna sur l'état réel des jeunes esclaves :

 

- Elles sont en mauvais état mais rien de cassé chez aucune d'entre elles. Par contre, la plus jeune saigne beaucoup de l'entrejambe mais je ne sais pas si ce saignement vient de ses menstrues ou bien du viol.... Ils étaient dix à lui passer dessus... et combien de fois ? Elles sont en train de mourir ; la loi Convène exige que ces garçons soient considérés comme des criminels et jugés tout comme la loi romaine qui dit que l'esclave doit être bien traité mais elles ne sont pas semblables, ces deux lois... Si les Romains les jugent, ils seront acquittés, si les Convènes les jugent, ils risquent la mort... Je te les laisse, Biturix, tu en fais ce que tu en veux...

 

Biturix ne répondit pas. Il se pencha sur la fillette qu'il jugea âgée de 12 ans environ, lui caressa le visage puis rabattit sa jupe souillée entre ses jambes ensanglantées comme s'il voulait que nul ne puisse voir  ce sang couler...

 

Il se releva et décréta :

 

- Nous allons les évacuer tout de suite car nous ne pouvons pas les porter et surveiller ces ....   alors centurion, tu prends tous tes légionnaires et comme vous n'êtes pas de première fraîcheur non plus, certains de mes hommes vont vous accompagner. Comme cela, vous les porterez à tour de rôle jusqu'au convoi qui doit se trouver à cette heure au niveau du domaine d'Antistii. Quand tu auras dépassé le lieu de Sarp, dis aux hommes qui attendent notre passage, de nous envoyer quelques jeunes bien armés pour nous escorter car pour pousser cette cohorte décadente, il nous faudra être nombreux. Attachez ces "fils à papa" les uns aux autres et entravez-les, aucun d'entre eux n'échappera au jugement. Puis partez. Les jeunes filles doivent être allongées au plus vite, elles perdent trop de sang...

 

Aussitôt ordonné, aussitôt fait .

 

Il restait quelques victuailles du repas de la veille dans la caserne et chacun se sustenta. Puis dans la torpeur de l'été, au frais dans la grande salle, ils attendirent sans prononcer une seule parole de toute la journée.

 

Ce fut vers la fin de l'après-midi, qu'un groupe de jeunes Convènes armés fit son apparition, le visage fermé et la bouche mauvaise.

 

Biturix réunit tout ce petit monde et sous la garde haineuse des montagnards, les Galloros prirent le chemin de la montagne.

 

Ils arrivaient au goulet de Sarp lorsqu'une clameur s'éleva loin derrière le mailh de Burs... Les Vandales étaient là derrière cette forêt bruissante et odoriférante ; la mort suivait ce funeste cortège.

 

Vite, vite, ils passèrent et une fois en sécurité derrière le mont de Peyremale, les hommes répandus sur ses flancs poussèrent vers la plaine de gros blocs de rochers. Ils s'empilèrent au-dessus des marécages. La jolie et riante petite vallée des ousses ne pouvait plus être envahie, la mort restait dans la plaine désertée et n'en sortirait pas.... 

Sur les sommets des mailhs, des guetteurs surveillaient....

 

A suivre....

 

Jackie Mansas

7 janvier 2018

 

NOTES

 

Même si la population Convène était christianisée, beaucoup de chefs de familles avaient gardé leurs patronymes gaulois.

 

 

1 - on ne connaît pas la date du mois exacte de l'invasion du pays Convène par les Vanndales

2 - les rivières sont appelées ousse depuis que la langue a été stabilisée

3 - surnom que les Convènes donnaient aux gallo-romains (mon imagination bien sûr....)

4 - Biturix : prénom gaulois ayant réellement existé ; on l'a retrouvé inscrit sur des poteries lors d'un chantier archéologique : 

"D’ailleurs, en 1820, lors de fouilles au niveau des thermes antiques de Saint-Honoré-les-Bains dans la Nièvre (58), des archéologues ont révélé l’existence d’anciennes poteries. Elles étaient gravées d’un simple « Biturix fecit » sur un des côtés. « fecit » est la troisième personne du singulier au parfait du verbe  « facere » qu’on peut traduire par « faire » ou « réaliser » en français.

Biturix était donc l’artisan qui a réalisé et apposé sa griffe sur les poteries retrouvées. Ce qui était à la base un banal geste de communication pour favoriser le bouche à oreille de son expertise est devenu avec le temps un fragment de postérité d’un simple potier."https://www.anecdotes-historiques.com/vrais-prenoms-gaulois-en-ix-comme-asterix/

En ces périodes de festivités, ce prénom me plaît beaucoup....

J'ai inventé les autres.... Vous devinez la profession de Maquerix ? 

http://latin.collegejeanjaures-cransac.org/domus.htm

 

Pour le statut et la place de la femme dans la société des peuples gaulois/celtes, je vous suggère de lire : http://anti-mythes.blogspot.fr/2010/05/la-femme-gauloise-celte.html

 

La lutte pour la reconnaissance des droits de la femme date de loin .... Notre droit occidental plonge ses racines dans le droit romain alors, pour se sortir de là, il faut lutter sans cesse. Si vous en avez l'occasion, lisez le TéléObs de cette semaine, y est décrite la situation dans l'audiovisuel et franchement, ça ne donne plus envie de regarder les programmes, quant on sait ce qu'il y a derrière....

 

 

Si vous avez envie de parcourir ces sites :

 

http://www.geneardeche.org/v1/n4/patro04.htm

http://www.linternaute.com/actualite/histoire/1172065-les-gaulois-histoire-et-verite-sur-nos-ancetres/1172074-vercingetorix-et-la-conquete-des-gaules

https://fr.wikipedia.org/wiki/Conv%C3%A8nes

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_peuples_gaulois_et_aquitains

http://mediolanum-santonum.fr/liste-peuples-gaulois.html

http://www.terreetpeuple.com/archeologie/445-les-noms-dorigine-gauloise.html

https://www.anecdotes-historiques.com/vrais-prenoms-gaulois-en-ix-comme-asterix/

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