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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


Pierre et Rose : un amour perdu durant la guerre 14-18... 3

Publié par Jackie Mansas sur 31 Octobre 2017, 09:25am

Catégories : #Culture et société pyénéennes

Depuis Hèches, les estives de cette commune, au fond les montagnes de Barousse...

Depuis Hèches, les estives de cette commune, au fond les montagnes de Barousse...

Rose et Pierre dans les estives de Barousse-Nistos.

 

3

 

"La jolie Rosière se retournait souvent pour le regarder marcher derrière eux, les yeux bloqués sur elle. Il transpirait d'amour, c'était puissant, ça lui prenait le cœur et ça le serrait si fort qu'il en avait mal partout ! Une pensée fugace lui traversa l'esprit :  «  et bien si c'est cela l'amour, qu'est-ce que ça fait mal ! » mais il ne s'y attarda pas car elle était là, près de lui, elle sentait si bon le printemps, le soleil et l'eau claire parfumée aux fleurs des bois… Aux roses de la Vierge qui ornait les pierres et les sources sacrées…

 

 

Rose se trouvait elle aussi, sur un petit nuage doux et cotonneux. Elle ne voulait rien montrer pour ne pas s'attirer les moqueries de son oncle et de son cousin Firmin et en même temps, elle voulait faire languir le beau garçon tombé amoureux un matin d'été alors qu'il était perché sur un chêne !

Tombé amoureux d'elle... et tombé du chêne !

 

 

Elle attendait fébrilement de se retrouver seule avec lui mais une légère inquiétude gâchait son plaisir : elle n'avait jamais eu d'amoureux et Pierre serait son premier. Ce n'était pas parce qu'elle ne plaisait à aucun garçon de son village et des alentours, oh non alors ! elle ne manquait pas de propositions mais depuis sa communion, ce qu'elle avait voulu absolument, c'était d'être élue Rosière l'année de ses quinze ans afin de recevoir la dotation en argent destinée - depuis que l'Empereur Napoléon 1er l'avait décrété - à une jeune fille pauvre dont les vertus étaient connues de tous ! Son père n'ayant aucune fortune pour laisser une dot à chacune de ses trois filles, elle avait décidé qu'il doterait ses deux sœurs et qu'elle, elle gagnerait ce titre et l'argent qui allait avec ! Elle était sûre de gagner car ses amies d'enfance ne sauraient être en aucun cas des concurrentes sérieuses ! Lorsqu'elle leur avait annoncé sa décision, elles s'étaient moquées d'elle et lui avaient manifesté en premier lieu une pitié tapageuse puis une compassion mêlée de tristesse…

 

 

Car, voyez-vous, dès les premiers boutons disparus du visage, - c'était le signal tant attendu – les jeunes chipies ne se gênaient pas pour profiter sans limites des plaisirs que pouvaient leur procurer les garçons pas en reste eux non plus pour leur courir après et leur en demander ! On ne couchait pas forcément à tout va mais on flirtait beaucoup dans les endroits secrets….

 

 

Et Rose les regardait faire tout en rêvant au joli jeune homme venu de son lointain village de Barousse participer à la vòta de sa paroisse le 15 août de l'an 1890 chez ses parents, invité par son cousin Firmin ! Au programme de la fête votive : messe chantée puis procession de l'église vers un autel fleuri de roses et de fleurs des champs monté sur la place puis vers un reposoir tout aussi richement décoré dans un autre quartier et enfin arrêts chantés devant toutes les croix de mission ! Il fallait deux bonnes heures pour rendre hommage à la Vierge Marie, sainte protectrice du village !

 

 

A midi, le soleil tapait dur et la fatigue se faisant sentir, le retour à la maison était très rapide pour les femmes et les enfants. Quant aux messieurs, un petit détour au bistrot ne pouvait que les ravir ! Les tournées de chopines se succédaient et quand, enfin, ils se séparaient, ils étaient déjà dans un état d'euphorie assez bruyant… Et pendant ce temps que croyez-vous que les femmes faisaient ? Et bien, elles travaillaient… Elles finissaient de préparer le repas pour qu'il soit pris d'assaut par les estomacs affamés que les maris et fils avaient conviés…

 

 

Le dîner de fête durait longtemps, très longtemps : on mangeait, on chantait, on racontait des histoires et dès que le soleil avait tourné, toujours endimanchés, les villageois rejoignaient les places où les attendaient les jeux de quilles où de boules. Les parties étaient animées et parfois des disputes éclataient – et oui il faisait chaud, le bistrot fonctionnait à plein rendement entre chaque partie et même pendant ! Les vieux, assis sur les bancs, commentaient les performances avec force moqueries.

 

Pour beaucoup, c'était « A moi les murs, la terre m'abandonne »...

 

 

On rentrait vers 7 heures finir les restes du midi et puis, alors que la nuit n'allait pas tarder à tomber, les accordéons jouaient les airs à la mode puis accompagnaient les chants pyrénéens et la piste improvisée se trouvait envahie par des couples aux pieds agiles et aux rires heureux venus de tous les villages alentours. Les danses et les chants profanes se succédaient mais en fin de bal, le chœur des hommes tenant encore debout entonnait « l'Ave Maria » avant d'aller dormir...

 

Rose n'avait pas quitté Pierre des yeux durant toute la fête alors que lui ne l'avait même pas remarquée !

 

Il était trop occupé à lorgner le corsage très, très échancré d'une blonde flamboyante que toute la cohorte des hommes plus ou moins excités par l'alcool badait.

 

 

Il savait très bien qu'il n'avait aucune chance, comment cette perle magnifique pourrait-elle s'intéresser à un gaffet de quatorze ans ! Mais ses hormones étaient en ébullition…

 

 

Rose décida ce jour-là qu'après avoir reçu son prix, elle l'attirerait dans son monde à elle et gare s'il s'avisait d'aller butiner sur d'autres fleurs ! Elle était trop jeune pour qu'il puisse tomber amoureux d'elle mais dans deux ans, elle aura grandi et ses formes seront tentantes, il suffisait d'attendre que la Nature ait fait son oeuvre. Le sacrifice n'était pas si terrible que cela, il lui fallait être patiente et elle se rattraperait dès le titre et l'argent conquis !

 

Le 8 juin dernier, son rêve s'était réalisé et Pierre était libre alors tout était permis pour que leur avenir soit commun et radieux.

 

 

Dieu avait exaucé son désir ce beau matin d'été, il était là et il ne voyait plus qu'elle.

 

 

Elle était décidée à connaître une vie amoureuse riche et intense ! Mais c'était à Pierre de se déclarer en premier. Enfin, quand il le ferait, il croirait qu'il l'avait décidé de lui-même...

 

 

Prosper et ses deux aides se rangèrent sur le bas-côté de la carretère pour les laisser passer et entrer les premiers dans la cabane. Prosper avait un commentaire à faire. Firmin les quitta pour rejoindre lui aussi la cabane et personne ne le retint.

 

Lorsque Prosper et le vieux Lucien se retrouvèrent seuls, ils se mirent à rire et à se taper les cuisses tellement ils étaient contents de la situation tout en sachant qu'ils allaient être obligés de céder aux exigences de Pierre !

 

Prosper se moqua mais pas méchamment pour une fois :

 

- Macarel ! Il est amoureux ce couillon de la lune ! Et bien, l'Auguste, il va s'en faire péter la rate car que de colères il va prendre pour le faire travailler…

 

Lucien, avec son bon sens habituel, tempéra le contentement du majouraou - qui était depuis longtemps en conflit avec Auguste à cause de ce fameux bouc qui bien évidemment, à chaque fugue, ne s'échappait pas tout seul :

 

 

- Bah ! Ça lui passera, avec l'été, les fêtes, les foires et les filles pas farouches car la chaleur leur font lever les jupes et comme elles ont la cuisse légère, il va s'en payer une bonne tranche ! Gracieux et gentil comme il est, elles vont comme depuis toujours le suivre dans les recoins ! La Rose, la bien-nommée, va vite être oubliée !"

 

 

A suivre

 

 

Jackie Mansas

31 octobre 2017

 

Photos copiées sur le site :

 

http://www.pyrenees-evasion.com/julien-gomis/accompagnateur-en-montagne/randonnee-en-montagne/barousse-col-d-aouet-mail-d-areng-mont-ne.html

 

 

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