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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


Au fil des années de mon enfance à Bertren : le jour où Pierre Lagaillarde et ses amis Barousso- Commingeois ont failli me faire rater une composition de français au collège ! 2

Publié par Jackie Mansas sur 28 Décembre 2016, 13:46pm

Catégories : #Culture et société pyénéennes

Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.
Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.

Le poste de douane à Pontaut (Espagne) ; quelques photos de la bonne société coloniale en Afrique. Archives de l'Outre-Mer.

Matin ensoleillé du mois de mai 1961, 8 heures 30 : un jour comme les autres, enfin presque ....

 

Après le petit-déjeuner, je prends mon vélo dans la remise et je m'apprête à remonter le Vignaou assez pentu ! Mais Madame Mondon descend en courant et me commande de rentrer à la maison, je ne dois pas aller au collège aujourd'hui !

 

Maman lui demande pourquoi et elles se mettent à chuchoter comme si un secret terrible est tombé sur le village, un secret que je n'ai pas le droit de connaître ! 

 

Emma Sabinotto se tient devant son portail, elle regarde Etienne, son mari, s'éloigner avec son troupeau de vaches ; Il les mène dans un pré en bordure de la Garonne et elles vont y passer la journée. Elle vient nous rejoindre et comme ces dames paraissent très inquiètes, j'en profite pour m'esquiver et remonter la rue. Au bout du Vignaou, dit aussi les Quatre-Chemins, il y a un attroupement et les hommes me renvoient à la maison illico presto. J'obéis aussitôt mais j'ai le temps de lire une immense inscription en noir sur la façade du café, "OAS" et "Lagaillarde" en dessous !

 

C'est quoi Lagaillarde ? et c'est quoi l'OAS ?

 

Je suis donc obligée de redescendre, maman et Emma me font rentrer dans la maison ! Je regimbe, j'ai la composition de français de 9 heures à 11 heures et si je n'y vais pas, la prof va me flanquer un zéro et je ne veux pas un zéro ! Je n'en ai jamais eu et je n'en veux pas ! Je me mets à pleurer, je veux partir au collège et l'heure passe ! 

 

Une voiture monte très vite, c'est le père de la peste qui l'emmène au collège, là je ne comprends plus rien car elle prend le car le matin. Il n'est donc pas passé ? (1) Le père et la fille ricanent en passant devant nous car bien entendu, ils se réjouissent du magnifique zéro que je vais récolter ! Et pour une fois, la prof ne lira pas ma composition en classe !

 

Hélène Vivès, notre voisine, est sortie de chez elle cahin-caha car elle  est obèse et ses jambes énormes la portent difficilement. Pourtant elle réussit à aider à la ferme de son mari Robert le Vieux et de son fils Robert le Jeune qui travaille également, je crois aux Fours à Chaux d' Izaourt. Mais depuis qu'il est marié avec une charmante jeune femme au prénom fleurant bon l'ancien temps, Odette, elle peut se reposer.

Elle râle : " quand même, le "type" aurait pu prendre la petite, pour ne pas lui faire rater la classe..". Elle, elle était gentille et respectueuse des autres, mais bon tout le monde ne lui ressemblait pas : la preuve.

 

Les dames hochent la tête, tout le monde sait bien que jamais il ne ferait cela, bien au contraire s'il pouvait me faire renvoyer du collège, il n'hésiterait pas ! Sa fille et ses amies "pestouilles", ne se sont pas privées de tenter le coup en décembre 1960 (après l'épisode des petits mots d'amour intéressés de mon voisin de classe !) mais ça n'a pas marché car Françoise et sa soeur Madeleine ont réussi à me sortir du guêpier dans lequel ces pestes m'avaient jetée sans que je ne m'aperçoive de rien !

 

Merci les amies, merci, vous étiez des anges...

 

Le harcèlement s'était arrêté, mais je pense que l'amitié qui me liait à Françoise y a été pour beaucoup : il faut dire que ses parents étaient riches, influents et ils voulaient que leur fille étudie dans la tranquillité... Aussi, on fichait la paix à sa meilleure amie...n'est-ce-pas ! 

 

Hélène était une vraie de vraie gentille qui souffrait le martyr car un poids pareil à traîner avec son cortège de maladies était, pour elle, un véritable cauchemar. Cependant son esprit restait toujours très vif et elle aimait les enfants. Pour elle comme pour la plupart des anciens du village, il était important qu'ils étudient afin d'avoir une vie bien plus agréable que celle de leurs parents. Aussi, une idée lui vient pour que je puisse partir au collège, maman et Emma acceptent tout de suite .

 

Elles montent toutes les trois côte à côte jusqu'aux Quatre-Chemins et je les suis en poussant le vélo. Maman et Emma sont grandes (1.70 m environ) et minces. Elles entourent Hélène qui devait mesurer au moins 1.75 m pour un poids de 160 à 180 kilos et de ce fait, à elles trois, elles occupent la largeur de la rue me cachant à la vue des hommes qui s'étaient regroupés en haut du Vignaou face au café et à l'église. Un véritable barrage. Elles se glissent derrière eux. Les gendarmes sont arrivés avec leur fourgon, sirène hurlante. Armes au poing, ils se sont déployés autour de la place et de l'église. Certains ont disparu vers la rue du Bédiaou.

Maman me murmure de me faire toute petite. On entend des éclats de voix au bas de la Carrère, le garçon qui part chaque matin, en solex, hurle après sa mère et après les dames du quartier qui l'empêchent de partir. Rouge comme un homard, toujours bien coiffé, il gesticule dans tous les sens obligeant l'attroupement à reculer, fait rugir son engin et part. Il ne veut pas rater la compo, enfin, un zéro ça fait chuter la moyenne ! 

 

Hélène occupe toute la place, les mains derrière le dos et en parlant très fort elle donne son avis sur l'événement qui apeure tout le monde. Tout en discourant, elle me fait signe de partir en agitant sa main droite. Elle crie que les gens qui viennent en France pour flanquer la pagaille n'ont qu'à rester en Algérie ! Tout le monde l'écoute, opine du bonnet et j'en profite, maman et Emma me poussent pour me donner de l'élan afin que je puisse démarrer plus vite....

 

Je pédale, pédale, pédale ! Arrivée à moitié de la côte de la Vigne, je me sens défaillir, je ne suis pas assez costaude et je n'ai que treize ans, pour supporter un tel effort. Je m'arrête pour souffler. Je vois arriver de Loures un autre fourgon de gendarmes qui ralentit  et je prends peur qu'ils ne me ramènent à la maison. Alors adieu à la compo !

 

Je remonte sur le vélo et comme après le haut de la côte, la route descend jusqu'à la place de Loures, en y "mettant toute la gomme", je peux arriver à temps ! Je rentre comme un ouragan dans la salle du café Lamoure où le couple m'attend : ils ont l'air inquiet, je pense maintenant que la nouvelle de ce qu'il s'est passé dans la nuit à Bertren a dû se répandre comme une traînée de poudre. Madame Lamoure, une grande femme d'une laideur étrange mais d'une gentillesse confondante, me prend le vélo des mains et me dit de filer avec mon cartable, elle s'occupe de ranger ma monture "Vite, vite, cours, tu vas être en retard !".

 

Je suis en retard ! L'horloge de l'église sonne 9 heures alors je cours, je cours mais en arrivant devant la salle de classe de 5ème (salle bleue actuellement de la mairie), je me sens mal, je m'appuie contre le premier platane, Françoise et Monique notre copine de Cierp, plus âgée que nous (elle était née en 1945 et avait redoublé des classes au primaire à cause d'une maladie grave à un oeil. Elle avait été énuclée. Elle portait une prothèse qu'elle enlevait parfois pour faire peur... aux garçons !) m'attendent. Elles courent vers moi et me prennent chacune par un bras pour m'empêcher de tomber. J'ouvre les yeux un peu rassurée car la classe n'est pas encore rentrée. Devant les marches, la peste et ses pestouilles se marrent en me regardant. Derrière elles, leur souffre-douleur ne rit pas, elle, mais comme elle reçoit un coup de coude rageur, elle est bien obligée de se moquer de moi.

 

Nous rentrons toutes les trois en dernier et la prof me dit gentiment "Allez, respire un bon coup et va t'asseoir, on ne commence pas encore !". Tout le monde me regarde, je dois être blanche comme du lait tellement je suis fatiguée et une fois assise, je reçois dans le dos un coup de règle. Ouille ! Ouille ! que ça fait mal ! Je me retourne et je vois la peste en train de rire, sa copine attrape la sienne et frappe Françoise de la même manière.

 

Cela leur prenait de temps en temps.... et oui, parfois un rien amuse !

 

Est-ce que la prof l'avait vu faire ? Je ne sais pas mais sur un ton très dur et le regard fixé sur notre rangée, elle demande le silence. Plus personne ne bronche. Je vais vous décrire le genre : regardez-vous Plus Belle La Vie sur la 3 ? Si oui, vous avez son clone avec Coralie la prof de maths surnommée par ses élèves Terminator !

 

En 1961... donc pire encore car personne, je dis bien personne n'avait le droit de prononcer une parole ! Rien que d'écouter et de travailler....

 

Et tout se passe bien comme d'habitude... A la récré, contre notre platane, nous discutons de ce que nous avons écrit et nous rions comme d'habitude...

 

Un peu plus loin un groupe de filles, celui de la peste et des pestouilles, est en train de faire pleurer son souffre-douleur comme d'habitude....

 

Une très jolie jeune fille, grande et potelée juste ce qu'il faut pour être cataloguée "belle plante" !  Son visage de poupée est auréolé de cheveux blonds foncés bouclés...

 

Et oui, quand on est quelconque, c'est-à-dire jolie certes mais commune, il n'est pas agréable d'avoir de la concurrence auprès des garçons. Même et déjà à 13 ans ! Aussi, il est très important d'éloigner quiconque représente un danger : voyez-vous, une fois qu'elle avait bien pleuré, elle n'était plus aussi plaisante à regarder n'est-ce-pas ! Et oui, c'est comme ça...

 

Le train-train habituel quoi....

 

La pauvre ....

 

Dire que les profs n'ont rien fait pour arrêter ce "massacre" moral qui dura jusqu'à fin de la 3ème ! Nous n'avons pas compris à l'époque pourquoi elle acceptait d'être martyrisée alors que parfois, elle passait ses récrés avec l'autre groupe de filles plus gentilles et marrantes. Mais je pense qu'elle voulait faire partie coûte que coûte des "dominantes" quitte à pleurer tous les jours de l'année scolaire. Et puis, les pestes n'auraient jamais voulu voir leur proie s'échapper définitivement ! 

 

La pauvre....

 

A midi, nous partons comme d'habitude avec Françoise, jusqu'au café, je prends mon vélo, je la raccompagne chez elle (le magasin de ses parents se trouvait dans la rue des Pyrénées) et je rentre à Bertren. Au retour, comme tous les jours, à 9 heures moins dix et à 2 heures moins dix, je pose mon vélo puis je vais chercher Françoise et on se rend au collège à 50 mètres. On retrouve Monique qui nous attend. Elle arrivait avec le car de ramassage qui partait de Cierp tous les matins puis rentrait le soir.

Elle est décédée il y a bien longtemps, je l'aimais beaucoup...

 

Nous ne faisions pas attention aux autres, nous avions notre platane favori pour nous appuyer et  nous papotions en rigolant : nous avions 13, 14 et 15 ans et nous étions heureuses... Nous étions en bonne santé, nous travaillions bien en classe, nous étions obéissantes et polies sinon, dans le cas contraire, nous aurions été grondées et punies ; dans nos familles respectives, nos parents, grands-parents et nos frères et soeurs nous aimaient, les gens étaient aimables et nous gâtaient de gentillesse : c'était la belle vie pour des adolescentes dans un monde préservé.

 

S'il n'y avait pas eu la peste au village, le bonheur aurait été total mais elle était là et il fallait faire avec. Je refusais de penser à l'avenir car je sentais au fond de moi qu'avec elle, je ne réussirais jamais à me défendre aussi, je l'ai toujours évitée, nous avons dû parler depuis 1960, une vingtaine de fois ensemble ... et oui, je disparais dès que je la vois où que je sais qu'elle est dans le coin !

 

Donc ce jour de mai 1961...

 

A la maison, à midi, je presse maman de questions : qui est Lagaillarde et qui est l'OAS ?  Et pourquoi ce monsieur avait écrit sur le mur du bistrot ? Elle me renseigne du mieux possible, c'est-à-dire qu'elle me répète ce que Monsieur Castex qui est le maire, leur a expliqué à tous après le départ des gendarmes. Bien entendu, elle ne sait pas pourquoi l'OAS s'en est pris à lui. Car c'est grave ce qui est arrivé, Mr Castex a été menacé par une organisation terroriste et le "criminel" Lagaillarde est en cavale, toutes les polices et gendarmeries de France sont à sa recherche.

 

"Mais qu'est-ce qu'il a fait le criminel ?". "Et bien, il a monté une insurrection à Alger avec des barricades contre le gouvernement du Général de Gaulle pour que l'Algérie reste française ! Il y a eu beaucoup de morts. C'est grave, très grave, les Algériens ont le droit de demander leur indépendance ! Oui, ils ont le droit d'avoir un pays pour eux tout seuls !".

 

Durant quelques jours l'événement occupa toutes les conversations. Puis les villageois virent la peur s'éloigner progressivement tandis que nous, nous reprenions notre vie de gamins heureux et insouciants !

 

Alors que s'était-il donc passé ? 

 

Je ne connais la vérité que récemment, en fait depuis le mois de mai 2016. 

Je vais tout vous raconter comme si j'avais toujours su.

 

Aux élections de 1953, la liste de gauche menée par Jean Castex, époux de la bistrotière Joséphine dite Fifine, bat à plate couture les sortants de droite .... Le nouveau maire remet de l'ordre et les pendules à l'heure dans le domaine de l'éducation : tous les enfants doivent aller à l'école et non pas seulement les jeunes français "purs" comme jusqu'à présent. Il est contre la guerre d'Algérie et quand on lui demande pourquoi, il explique qu'aucun peuple ne doit être colonisé. La colonisation est un crime car aucune "race" n'est supérieure aux autres. L'Algérie et les Algériens doivent être délivrés du joug des Français de métropole et ceux de là-bas, les Pieds-Noirs, ont tort de vouloir rester français, ils devraient accepter de devenir Algériens, un point c'est tout.

 

L'opposition lui en voudra à mort !

 

Je vous ai déjà dit que juste avant la Libération d'août 1944, Cou de Cigogne, le commandant SS qui sévissait sur un vaste territoire comprenant la Barousse et le sud Comminges avait fui avec ses officiers en Espagne où ils furent accueillis à bras ouverts par le dictateur Franco. Entre homologues, on se serre les coudes.

Après la guerre, pas mal de Nazis fuyant les Alliés puis l'occupation de l'Allemagne ont rallié l'Espagne en passant par la Suisse, l'Italie du Nord et le Midi de la France. Il n'y avait que trois passages dans les Pyrénées à cette époque : le Perthus, Urrugne et le Val d'Aran. Plus les ports en altitude.

On peut affirmer sans trop craindre de se tromper, que le Val d'Aran était le plus prisé car sécurisé vu que le poste de douane se trouvait à Pontaut... en Espagne ! Pour rejoindre l'Amérique du Sud où ils étaient impatiemment attendus et de ce fait, reçus comme des héros, ils ne pouvaient que voyager sur des bateaux espagnols ou portugais qui ne risquaient pas d'être arraisonnés dans les eaux internationales ....

Les plus grands criminels nazis ont rallié l'Argentine et ensuite les autres pays où ils ont aidé les dictateurs locaux à installer des régimes de terreur. Mais beaucoup de nazis de moindre importance sont restés en Espagne protégés par Franco et occupant des postes de "conseillers",  entre autres emplois ! 

Bien évidemment, il leur était très facile de faire de courts séjours en France auprès de leurs "amis" de la collaboration...

Jusqu'à l'avènement de la démocratie en 1975 avec l'arrivée au pouvoir du roi Juan-Carlos 1er, l'Espagne franquiste a "protégé" tous les fascistes fâchés mais vraiment fâchés avec les démocraties européennes.

 

Pierre Lagaillarde était un avocat et le député sans étiquette du département d'Alger. Il déclara le 8 février 1960 au "Times Magazine" : "Je suis peut-être un fasciste mais je ne suis pas un réactionnaire. Mon arrière-grand-père était sur les barricades. Je suis un authentique révolutionnaire !". (2). Enfin s'il le disait...
 

 

Il se réfugia à Madrid pour éviter le procès qui devait le condamner pour "activités nationalistes et anti-indépendantistes après la Semaine des Barricades à Alger en janvier 1960". Il était farouchement opposé à l'indépendance de l'Algérie. Partisan acharné de l'Algérie française pendant la guerre d'Algérie - 1954-1962 - il cofonda l'OAS (organisation de l'armée secrète) avec Jean-Jacques Susini. Le général Raoul Salan en prit le commandement et les actions terroristes commencèrent tant en Algérie que sur le territoire français !

 

Quelques mois avant son procès qui devait se tenir en mars 1961, il fut remis en liberté sur parole et en profita pour se réfugier à Madrid. Toutes les polices et les gendarmeries, les services secrets étaient à ses trousses mais avec quelques amis tout aussi impliqués que lui dans les attentats d'Alger, il était à l'abri dans la capitale espagnole.

 

Comment a-t'il pu s'échapper alors que la surveillance autour de lui était impressionnante ?

 

Et bien tout simplement parce que l'indépendance des colonies depuis la fin des années 1940, à savoir : 

- en 1953 : Laos, Cambodge, Chandernagor rendue à L'inde

- en 1954 : Nord Vietnam

- en 1956 : Maroc, Tunisie, Pondichéry, Mahé, Yanaon, Kârikâl rendues à l'Inde

- en 1958 : Guinée

- en 1960 : Dahomey (Bénin), Côte d'Ivoire, Soudan français (Mali), Haute-Volta (Burkina Faso), Mauritanie, Niger, Sénégal ; Oubangui-Chari (République Centrafricaine); Moyen-Congo (République de Congo), Gabon, Tchad, Togo, Cameroun, Madagascar.

a obligé tous les fonctionnaires coloniaux de ces pays désormais libérés du joug de la colonisation à rentrer en France. Les coloniaux n'ont jamais accepté - dans leur très grande majorité - l'indépendance des pays où ils vivaient en "petits" monarques absolus. Leur rancoeur était immense et dès leur arrivée en métropole, ils se réunirent en "cercles", ou bien en groupuscules politiques dans toutes les régions de France où la plupart d'entre eux avaient leurs racines et où ils étaient considérés comme des notables... afin de participer à la politique nationale mais dans l'opposition, c'est-à-dire à la droite de la droite...

 

Or, les colonies d'Asie avaient quitté le giron de la France bien avant l'arrivée au pouvoir du Général de Gaulle mais ces gens nourrissaient à son égard une haine féroce vu qu'il avait lutté contre le Maréchal Pétain, crime suprême... De ce fait, ils rejoignirent les rangs secrets des ex collaborateurs. Ceux-ci n'avaient pas perdu leur pouvoir à la Libération car ils avaient su changer de camp au bon moment ! Et l'amnistie de 1946 les rendait intouchables....

 

Voilà comment Pierre Lagaillarde et ses homologues ont pu rallier l'Espagne sans danger. Il fut condamné par contumace en mars 1961 à dix ans de réclusion criminelle et fut déchu de son mandat de député le 5 mai de la même année.

 

Comment a-t'il pu se retrouver dans le sud Comminges à la fin du mois de mai 1961, parfumé à souhait et chaud comme un jour d'été ?

Le jour de la composition de français en plus ? 

 

Grâce à des témoignages et à ce que ma curiosité naturelle m'a fait découvrir, j'ai pu reconstituer cet événement mais il faut tout de même être prudent : ce qu'il s'est passé dans cette région frontalière entre 1960 et mars 1962, jusqu'à la signature des Accords d'Evian mettant fin à la présence des Français en Algérie, est assez trouble.

 

Le référendum sur l'autodétermination de l'Algérie du 8 janvier 1961 approuvé à 75 % des votants en métropole et 70% en Algérie, fut l'occasion de disputes homériques entre la droite et la gauche. Les résultats, prévisibles, ne furent pas au goût de tout le monde et ce fut à partir de ce moment-là que la lutte contre le général de Gaulle et la Vème République prit un autre tournant dans notre région, dite "rouge", qui avait voté oui à une majorité écrasante. 

 

A partir de 1960, des réunions mondaines entre gens de la "bonne société" calquées sur les "garden-parties" des colonies, se multiplièrent dans les belles demeures de maître et les "châteaux" (plutôt des manoirs du 19ème siècle) entre Saint-Gaudens et Luchon. On voyait se succéder des voitures rutilantes conduites par des chauffeurs en livrée et les paysans se moquaient beaucoup. On se serait cru à la Comédie Française mais en fait, c'était une tragédie qui se déroulait sous nos yeux !

 

Bien évidemment, une population majoritairement de gauche n'allait pas applaudir à cette débauche de richesse et de dédain... Mais nous n'aurions pas dû rire et nous moquer, nous aurions dû réfléchir...car la société changea du tout au tout dès les élections municipales de 1965. Personne n'était armé pour résister à ce déferlement de "haine" vu que la guerre qui se profilerait dans l'avenir ne serait plus la même... Elle serait sournoise et souterraine et impossible à appréhender !

 

Alors, voici donc ce que j'ai pu apprendre :

 

pour les "maréchalistes" (nous allons les appeler comme cela pour plus de simplicité), il était important de chasser du pouvoir le général de Gaulle et ce, par tous les moyens. Mais comme ils étaient très peu nombreux, il fallait qu'ils se débarrassent des vieux briscards de gauche au pouvoir depuis la Libération, à quelques exceptions près.

 

Pourquoi firent-ils appel à Pierre Lagaillarde et à ses amis de Madrid ? Mystère, mais on peut raisonnablement penser qu'en fait, ils désiraient se renseigner sur les techniques de "prise de pouvoir musclée" tant sur le terrain que dans les urnes et pourquoi pas l'aide de l'OAS pour .... Vous me comprenez. Oui bon, cela nous paraît utopique maintenant mais à cette époque ? 

Ou bien, comme me l'ont "murmuré" certaines sources, Pierre Lagaillarde et ses amis auraient pris des contacts avec les membres du petit groupe d'extrême-droite qui s'était constitué dans le sud du département et ce, dans le plus grand des secrets, afin de mener des actions de guérilla sur le territoire français. A vérifier bien sûr mais le temps a passé... (3)

 

Quoiqu'il en soit, ils sont restés trois jours dans ce charmant petit "château" où les réunions furent nombreuses  puis le séjour se termina par une magnifique soirée tant à l'intérieur dans les salons Belle Epoque qu'à l'extérieur dans les jardins et au bord d'un ruisseau...

Aucune voiture n'était immatriculée en Espagne car lorsqu'un "indésirable" entrait en France, une voiture française l'attendait au poste frontière... Donc, ni vu ni connu... de ce fait, personne parmi ceux qui s'amusèrent à surveiller cette "brillante société", ne s'aperçut que le fugitif le plus recherché  de France se trouvait là, à quelques encablures de 4 gendarmeries !

 

A cette soirée mondaine, étaient invités tous les notables de la région capables de tenir leur langue et les agriculteurs-propriétaires de domaines importants, profondément investis dans l'organisation de ce cartel très, très secret. Et bien entendu, il y en avait de Bertren dont la haine qu'ils éprouvaient envers le maire qui les avait battu en 53 et bien sûr encore en 59, était féroce. Fortement excités, ils trouvèrent aisément quelques "imbibés" capables d'effrayer Mr Castex et sans s'en douter un seul instant, de mettre en danger Pierre Lagaillarde. Revenus au village, dans la nuit, alors que tout le monde dormait - sauf une seule personne qui les regarda faire sans bouger même un cil - ils appuyèrent deux échelles contre la façade du café et exprimèrent leurs idées en taguant le sigle de l'OAS et le patronyme de Lagaillarde, puis ils disparurent dans l'ombre des rues....

 

Le lendemain, on les retrouva sur la place en train de pester contre les fauteurs de trouble et ils guidèrent les gendarmes dans les recoins de la montagne et de la plaine...à la recherche de Pierre Lagaillarde !

Les gendarmes patrouillèrent durant plusieurs jours et enquêtèrent dans tous les villages alentours, tant chez les paysans que chez les ouvriers et chez les hobereaux... sans rien trouver bien entendu.

Pas sûr que le principal intéressé ait su ce qu'il s'était passé...

Mais la bêtise des "béhouets" d'un jour ou plutôt d'une nuit, a eu au moins un côté positif : il n'y eut plus aucune manif quelconque contre de Gaulle dans notre région !

 

Je sais ce que vous pensez : dans quel "château" descendaient tous ces indésirables ?

Ce sera pour une autre fois mais ne vous faites aucune illusion, je ne vous dirai jamais le nom du lieu où il se trouve, ni celui des propriétaires de cette époque-là. Pas pour les protéger, oh que non ! Je n'aimais pas ces gens qui ont fait beaucoup de mal, en particulier à ma famille par haine des étrangers, mais parce qu'ils ne sont plus là pour pouvoir se défendre : le "Parrain" de ce cartel n'a pas de descendants vivants dans la région à ce jour. Un(e) seul(e) qui vit encore, habite très loin d'ici et ne revient que rarement.  Cette "maïsou" a disparu du paysage à tout jamais et les tombes sont oubliées. Comme quoi....

 

Voilà pourquoi, à cause d'imbéciles,

j'ai failli rater ma composition de français et ça,

voyez-vous, c'était très grave pour la gamine

de 13 ans que j'étais !

 

Enfin quoi, vous imaginez la honte ? Un zéro en français !

 

         Bonne année à tous !

 

Jackie Mansas

30 décembre 2016

 

1 - en fait, le chauffeur effrayé par l'inscription ne s'est pas arrêté

2- wikipédia

3 - les témoignages oraux ont toujours un fond de vérité mais il faut vérifier et revérifier même si le témoin est fiable. 

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/liberation-54-le-role-trouble-d-95528

Les tunnels actuels ont été construits à la fin du 20ème siècle : Puymaurens entre 1988 et 1994 ; le tunnel d' Envalira  à partir de 1991 mais on pouvait rouler sur la route du port d'Envalira pour rejoindre l'Andorre cependant, l'accès était très difficile en hiver ; Aragnouet-Bielsa  à partir de 1967 avec une mise en service en 1974 ; Somport  mis en service en 1991.

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R
Un grand merci pour cette page d'Histoire, pas de doute votre professeur devait avoir autant de plaisir que nous à vous lire.<br /> BONNE ANNÉE 2017 !
Répondre
J
Je vous remercie infiniment de votre si gentil message ! C'est le dernier jour de l'année et j'étais contente de la terminer avec ce souvenir d'enfance , c'était une belle année et même si au niveau national, tout n'était pas rose, pour nous que la vie était belle ! Bonne année à vous aussi, plein de bonheur pour vous et votre famille !

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