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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


Témoignages sur la période de la guerre 39-45...

Publié par Jackie Mansas sur 11 Octobre 2017, 11:09am

Catégories : #Culture et société pyénéennes

1944 par un écrivain de Mane - 31 - qui avait 12 ans cette année-là....

1944 par un écrivain de Mane - 31 - qui avait 12 ans cette année-là....

Comme je parle toujours des Résistants que j'ai rencontrés avec enthousiasme et amitié, une personne m'a fait remarquer fort justement qu'il n'y avait pas eu que des gens "bien" dans la Résistance. 

 

Bien sûr, j'en conviens, je ne dis pas le contraire, mais CEUX que j'ai connus étaient des "gens bien".

Il faut reconnaître que, tout comme de l'autre côté, chez les collaborateurs et la Milice, il n'y avait pas que des "méchants". La collaboration du marché noir par exemple, n'a été pour la généralité des personnes impliquées, qu'une manière de mieux vivre au quotidien. Seuls ceux qui avaient monté des réseaux maffieux ne l'ont pratiqué que pour s'enrichir.

 

Bien sûr encore, nous ne voyons que ceux qui ont dénoncé, sali et envoyé à une mort certaine des femmes et des hommes qui ne faisaient que leur devoir, nous ignorons les autres qui, justement, en profitant de leur proximité avec l'Occupant ont permis de sauver des vies...

 

La collaboration dite horizontale, n'a jugé que des femmes amoureuses et là, oui, la tonte a été une offense car même si ces hommes qu'elles ont aimé à la folie ont été des ordures, elles, elles n'ont fait que donner et recevoir de l'amour en échange. 

 

Ce sont toujours les femmes qui trinquent parce que lorsqu'elles tombent amoureuses, plus rien ne compte, elles vont jusqu'au bout de leur destin. Bien sûr, encore et toujours, toutes les femmes n'étaient pas jusqu'auboutistes et ont su réfléchir. Celles (minoritaires) qui ont cédé aux flèches de Cupidon ont écouté leur cœur, c'est tout, alors, personnellement, je ne juge pas...

 

Je n'ai jamais rencontré de résistants "du dernier moment" donc, je ne peux en parler. Aussi, je vais rapporter les écrits de ceux qui ont vécu durant cette période troublée qui couvre surtout l'année 1944. Ces témoignages sont importants, ils donnent à voir que le monde tel qu'il a été rapporté n'était sans doute pas aussi idyllique que beaucoup ont voulu le faire croire.

 

Aux Editions Cheminements (disparues depuis 3 ans), en 2006, est paru dans la collection "Gens d'ici", un livre de souvenirs passionnant à lire, d'un habitant, écrivain rural, de Mane - 31. 

"La clé des champs " de André Feuillerat est un bijou, une œuvre d'ethnologie, de sociologie, d'histoire... Peut-on le trouver sur internet ? peut-être...

 

Voici ses souvenirs d'enfant,

de collégien en 1944.

 

Bonnes feuilles...

 

"A partir de 1943, pour échapper au STO, de nombreux jeunes gens rejoignent les maquis qui se forment dans les montagnes et s'étoffent rapidement. Les Alpes, le Massif central et les Pyrénées offrent un terrain et un refuge parfaits.

Au début de 1944,  les actions de sabotage des voies de communication empruntées par les convois allemands ainsi que les escarmouches se font de plus en plus nombreuses, entretenant chez l'occupant un climat d'insécurité. Les affrontements armés deviennent de plus en plus meurtriers car ils donnent lieu à de véritables batailles. Celle qui s'est déroulée dans le Vercors du 21 au 27 juillet 1944 et s'est terminée par l'anéantissement de ce maquis important et bien structuré a nécessité l'intervention d'une division entière  de la Wehrmacht. Les Allemands ripostent à toute attaque par une répression féroce ; ils prennent des otages, les fusillent et brûlent des villages. C'est parfois un massacre de la population civile, femmes et enfants compris. Le 10 juin 1944, les SS de la Division Das Reich se livrent à une tuerie à Oradour-sur-Glane : 642 victimes, dont 450 femmes et enfants brûlés vifs dans l'église du village. Et il y a eu des dizaines et des dizaines de petits Oradours en France.

La Résistance s'en prend également aux collaborateurs, aux délateurs et surtout aux miliciens ; elle les pourchasse, les abat sur le champ ou les fusille après un jugement sommaire. Les soldats allemands isolés sont massacrés sans pitié ; on ne fait pas de prisonniers de part et d'autres".

.......

" L'année 1944 fut avant tout celle de la Libération et de la fin du régime de Vichy. Notre région ne se trouva pas au cœur de la guerre, mais elle la vécut à sa manière : combats entre Allemands et maquisards, suivis de représailles sur la population civile et autres exactions, en réponse à des arrestations et aux tortures dé résistants par la Milice et la Gestapo, sans parler des pillages par des bandes armées incontrôlées. Tout cela dans un climat de violence, de peur et de vindicte personnelle car c'était aussi le temps des lettres anonymes. Cette période-là, je veux l'évoquer telle que je l'ai vécue."

....

 

"Marché noir et petits trafics.

 

Jamais la pénurie n'avait été aussi manifeste et le marché noir aussi actif que pendant l'hiver 1943-1944 et les mois qui suivirent. Dès qu'un arrivage était signalé dans un magasin, on voyait une longue queue se former sur le trottoir au petit matin, bien avant l'heure de l'ouverture. Les gens attendaient patiemment dans le froid, espérant qu'il resterait encore quelque chose quand leur tour arriverait. Les ménagères passaient plus de temps dans ces files que devant leur fourneau ! Il fallait beaucoup de débrouillardise pour s'habiller décemment, manger à sa faim et chauffer son logement. 

 

On ne trouvait donc presque plus rien dans les épiceries et les boucheries où parfois on n'honorait plus les tickets de rationnement. La réponse était toujours la même : "Nous n'avons pas eu de livraison" ou bien "Elle a été si maigre qu'elle a été épuisée en deux jours". C'était peut-être vrai, mais ça pouvait être aussi un gros mensonge. car, au marché noir, on trouvait toutes les denrées de première nécessité : sucre, huile, farine, riz, œufs, beurre, viande, volaille, etc. Il suffisait d'y mettre le prix et de connaître un intermédiaire. Beaucoup de gens, particulièrement les citadins qui souffraient de la disette plus que les campagnards, accusaient donc les paysans de vendre leurs produits uniquement au marché noir ; "Ils profitent du malheur national pour s'enrichir rapidement et malhonnêtement", entendait-on dire en ville. Certains se sont effectivement livrés à cette pratique, mais la plupart ne l'ont fait qu'à l'occasion, jamais systématiquement. Il leur fallait bien se procurer de l'argent pour acheter, à leur tour, vêtements et chaussures au marché noir.  Qui, à l'époque, ne s'est pas engagé, poussé par la force des choses, dans quelque petit trafic ? Et puis le riz, le café, l'huile d'arachide, le chocolat, etc., toutes ces denrées exotiques que l'on trouvait seulement au marché noir et  des prix faramineux ne venaient pas des fermes françaises mais de l'étranger.

En réalité, au fil des mois et des années, depuis juin 1940, des réseaux de gros trafiquants s'étaient installés dans le pays et, avec la complicité probable de fonctionnaires véreux de Vichy qui contrôlaient l'import-export, ils détournaient une bonne part des marchandises pour les écouler sur le marché parallèle. D'autres réseaux maffieux avaient mis la main sur les filières d'alimentation qui collectaient, conditionnaient et distribuaient la production nationale. C'est de là et non des fermes que provenaient sucre, farine, œufs, beurre, viande de boucherie, volaille, etc. introuvables au marché noir.

Il était si facile de rendre les paysans responsables de la pénurie ! La plupart d'entre eux, ici, où domine la petite propriété, récoltaient juste de quoi se suffire. "

......

"Il ne faut pas oublier non plus que les paysans devaient livrer à l'Etat la totalité de leur récolte de blé. Impossible de tricher, les surfaces emblavées étaient déclarées à la mairie et le contrôle au moment du battage était rigoureux. Après la livraison obligatoire, me grands-parents n'avaient que quelques kilos de blé.... et les "purges". On appelait ainsi les petits grains de blé qui, au moment du battage, étaient séparés des bons pour être recueillis à part en compagnie de l'ivraie, vesces, pois sauvages, etc. En temps normal, on jetait les purges à la volaille. Or, nous les triions, l'hiver, sur la table, après le repas du soir ; on les faisait moudre, mais il y avait beaucoup plus de son que de farine. Le premier allait aux porcs, la seconde servait à faire des crêpes, de la bouillie et aussi, de temps à autre, du millas. Bientôt, il fut très difficile de faire moudre ce grain car les autorités de Vichy avaient fait mettre les scellés sur tous les moulins artisanaux le long des rivières de la région".

André Feuillerat : "La clé des champs".

A suivre pour connaître la suite...

 

Jackie Mansas

12 octobre 2017

 

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R
Coucou Jackie. J'ai ce livre depuis 2009...passionnant . Dans un autre registre "Mon enfance en Comminges" de Joseph Cames et "Le petit train d'Aspet" de Michel Biaugeaud! J'en ai sûrement d'autres car j'achète tout ce que je trouve sur notre région. Merci Jackie de faire revivre cette époque...pas si lointaine.
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J
Merci à toi de me lire, tu ne veux pas raconter "ton" pays à toi ? A ta façon, comme tu l'as vu, vécu ? ce serait si chouette ! Je regarde France 2 le journal, la série de reportages sur les villes d'Italie et aujourd'hui, ils nous montrent San Geminiano qui était le berceau de ma famille grand-maternelle les Cinotti jusqu'au début du 19ème siècle. Ils étaient vignerons et avaient un important domaine que mon ancêtre a tout bu avec des belles jeunes femmes dans des fêtes somptueuses... Il a tout perdu : château, terres, vignes, fermes, et a fini à la rue et ils sont devenus charbonniers pour survivre en se réfugiant à Maresca... Comme quoi, grandeur et décadence.. Quand j'ai vu les magnifiques vignes, je me suis dit qu'il devait avoir une sacrée descente le quinquisaïeul...enfin pas que lui, toutes les femmes et tous les "amis" réunis... J'avais ri quand ma mère m'avait raconté cela : "Il a tout bu le grand-père !"...

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