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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


1935 : la crue du siècle à Mauléon-Barousse ...3

Publié par Jackie Mansas sur 6 Novembre 2017, 11:52am

Catégories : #Culture et société pyénéennes

Pourrait-on dire qu'à Mauléon et selon mon histoire, il y avait les clones des fameux Don Camillo et Pepone ?

 

C'était à peu près dans toutes les paroisses que ces deux personnages hauts en couleur cohabitaient....

 

Et les villageois de rire...et de raconter d'innombrables anecdotes !

 

&

 

MARS 1935 A MAULEON-BAROUSSE

 

 

Suite 2 : la bagarre autour de la maladie de René ...

 

 

"Une fois de plus, la discussion tourna rapidement à l'aigre :

 

- Bonjour Monsieur le Régent, il paraît que vous avez eu un grave problème avec un élève hier matin….

 

- Bonjour, Monsieur le Curé ! Un problème ? Cela vous ferait une trop grande joie ! Disons plutôt, un incident de santé pour l'élève Barbarin.

 

- Un incident ? Vous appelez un évanouissement, un simple incident ? Vous n'avez pas l'air de réaliser que si le gamin était mort dans votre classe, vous seriez dégagé de l’Éducation Nationale, illico presto !

 

- Comme vous seriez joyeux si cela arrivait, n'est-ce-pas ? Et bien, non, je ne suis pas responsable de la péritonite de l'élève Barbarin. Figurez-vous que je n'ai pas le pouvoir de déclencher des désordres intestinaux chez qui que ce soit. Par contre, votre Dieu, soi-disant miséricordieux, d'après toutes les fariboles que vous nous débitez à longueur de journée Le peut si je vous en crois. Donc, je pense que si vous fermiez votre clapet une seule minute, ça me procurerait un plaisir immense !

 

Le ton du curé, déjà haut, monta d'un cran :

 

- Et si vous, vous fermiez le vôtre ? Non, un petit peu ? Ça nous ferait un moment de silence et nos tympans pourraient se reposer, non, ne croyez-vous pas ? Vous et votre laïcité, vous enseignez le Diable, un point c'est tout ! Par votre faute, les remugles de l'enfer ont envahi notre village et c'est le pauvre René qui les a subis !

 

- Mais qu'est-ce que vous racontez ! Il n'y a pas de Diable qui tienne, René avait son ventre gonflé par quelque nourriture qui lui a dérangé les boyaux, c'est tout ! Et a déchargé du méthane, comme tout le monde ! S'il ne l'avait pas fait, il serait peut-être mort sur le coup et ce n'aurait pas été de ma faute : je ne le nourris pas moi !

 

On entendit des rires du côté des spectateurs de gauche partisans de l’instituteur et des Hou ! Hou ! vengeurs du côté de ceux de droite soutiens indéfectibles du curé, tous sortis de leurs maisons, curieux et goguenards, dès que les deux hommes s'étaient retrouvés face à face, mais ils ne déstabilisèrent pas les deux histrions :

 

- Ce n'est pas ce qu'ont dit les autres enfants, ils ont parlé d'une odeur de souffre ! Cela veut dire que le démon était en lui !

 

- Ah bien ça oui, c'était un démon : la péritonite ! Vous savez ce que c'est au moins ? Ah ! non, bien sûr : pour vous à chaque fois que l'on est malade c'est parce que l'on a péché et il faut chasser le démon du rhume, de la grippe, de l'ulcère à l'estomac, du panaris ou de la petite vérole ! et pourquoi pas de la tuberculose !

 

Des rires et des Hou Hou l'interrompirent mais il les arrêta d'un geste impérieux, reprit sa respiration puis se lança à nouveau dans la bataille verbale :

 

- Vous allez dire ça à toutes les mères qui ont perdu leurs enfants durant l'épidémie  de tuberculose de 32 et 33 ? Vous allez dire ça à Madame Barbarin si elle perd son fils d'une péritonite ? Vous allez lui parler du démon du pet malodorant ?

 

Certains spectateurs connaissant l'existence de Béhémoth, l'infernale créature qui présidait aux instincts humains, aux plaisirs de la table et aux maux de ventre,  ne purent s'empêcher de rire ce qui revigora l'instituteur ravi de son effet mais fit augmenter l'ire du curé :

 

- Riez, riez, mécréants, vous irez en enfer ! et ce n'est pas étonnant avec un maître adorateur du Grand Staline, ce ne pourra que se passer comme cela ! Au fait, il va bien, votre petit Père des Peuples ? Père, mon œil ! Il n'y a qu'un seul Père et il est au Ciel ! Staline ! Lénine ! Trotski ! Et les autres ! Et vos maîtres à penser, les Marx et Engels, tous des suppôts de Satan ! Il s'empiffre bien dans son palais, votre Petit Père et laisse mourir de faim ses sujets ! Hein ?

 

L'instituteur tentait en vain de le faire taire parce qu'il ne fallait pas que le doute s'insinue dans les esprits, ce qui ruinerait tous ses efforts pour faire comprendre aux « caps bourrut » pyrénéens que le salut de l'humanité se trouvait en Union Soviétique et non au Vatican ! Mais le curé, fine mouche, sachant qu'il avançait sur un terrain béni – l'argent - haussa encore plus le ton et lui aussi, dans une superbe envolée, tenta d'écraser son ennemi en haranguant les villageois :

 

- Sachez tous que les Russes ne possèdent plus rien, plus de terres, plus de maisons, plus de comptes en banque et encore moins de liberté car dès qu’ils parlent, ils sont fusillés ! Oui, oui, sachez tous qu'ils sont pauvres et n'ont rien à manger ! Honte à vous de montrer Staline en exemple aux brebis de Notre Seigneur ! Vous l'avez attiré ici dans notre village et si René meurt, ce sera de votre faute, rien qu'à vous et à personne d'autre !

 

Le curé, tout en criant, sautait et l'instituteur fit de même, on aurait dit qu'ils valsaient sans se toucher. Bringebranche allait répliquer vertement et venait de saisir le prêtre par le col de la soutane quand quelqu’un lui saisit le bras et lui intima de lâcher son adversaire sur le champ. Il se dégagea brusquement sans écouter et le maire, car c'était lui qui osait intervenir, se retrouva couché en équilibre sur le parapet du pont, proche de l’évanouissement. Rouge de colère, l'instituteur commença à serrer la gorge soudainement dévoilée du prêtre et hurla :

 

- C'est vous qui êtes le Diable, vous ne voulez même pas que la société évolue ! Vous ne voyez que par les bourgeoises emperlousées qui vous suivent à la trace du bénitier à la table bien garnie du dimanche ! Vous ne faites que vous empiffrer et vous ne servez à rien ! Vous applaudissez à chaque fois qu'un parvenu s'enrichit et vous hochez la tête lorsqu'un malheureux se retrouve dans la rue !

 

Le curé ouvrit grand la bouche tellement il était suffoqué et toutes ses dents se découvrirent en un rictus féroce qui le fit ressembler à une gargouille. L'instituteur s'en trouva un court instant déstabilisé et desserra son étreinte mais il se ressaisit très vite et ne trouvant plus de reproches à envoyer à son vieil ennemi, se mit à chanter levant un bras au ciel - l'autre retenant le revers du col de la soutane - pour le narguer lui et ses partisans :

 

- « Ah ! Ça ira, ça ira, les aristocrates à la Lanterne,

Ah ! Ça ira, ça ira, les aristocrates on les pendra ! 

Et quand on les aura tous pendus,

On leur fichera la paille au cul,

Imbibée de pétrole, vive le son, vive le son,

Imbibée de pétrole, vive le son du canon. »

 
 

Le curé, pensant à Louis XVI raccourci et voulant rétablir son autorité, leva le genou et pan ! Monsieur Bringebranche le lâcha immédiatement et se mit à tourner en tous sens tellement ça faisait mal ! François Grézide, le maire, qui avait repris ses esprits après la peur qu'il avait eu de tomber dans l'Ourse gonflée par les pluies, voyant que les combattants s'étaient séparés, se plaça entre eux, vite rejoint par son adjoint et par le boucher brandissant un hachoir gigantesque. D'une voix froide, il leur intima l'ordre de rentrer chez eux. Et vite, sinon, il appelait la maréchaussée et les faisait embarquer tous les deux ! Et s'ils recommençaient leurs histoires à la « con », il les ferait enfermer à l'asile ! Et pour un bon bout de temps ! Qu'on se le dise !

 

 

Les combattants, un brin penauds, s'éloignèrent aussitôt, l'un boitant et l'autre suffoquant... . Mais dans le peuple assemblé, les murmures se firent plus forts et un « Rouge » un peu, enfin beaucoup, porté « sur la chose », apostropha l'édile :

 

- Hé ! Moussu le Maire ! Le régent, il va pas pouvoir servir sa femme durant un bon bout de temps avec le coup de genou qu'il a reçu ! Pourquoi c'est pas le curé qui l'a reçu ? Lui, il s'en sert jamais des bijoux de famille ! Ça, c'est grave et il devrait être mis à l'amende !

 

Les « Blancs » se rebiffèrent aussitôt levant le poing :

 

- C'est pas parce qu'il s'en sert pas qu'il faut les lui cogner ! De toute façon, arrogant comme il est le régent, ça ne lui a fait que du bien et si quelqu'un n'est pas content, il n'a qu'à venir tout de suite, on va lui régler son compte !"

 

A suivre

 

Jackie Mansas

6 novembre 2017

 

 

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