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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


Barousse au 17ème siècle et au 18ème siècle : la mort, agressions, assassinats et accidents....

Publié par Jackie Mansas sur 22 Septembre 2017, 08:32am

Catégories : #Culture et société pyénéennes

Vue depuis Izaourt sur Sarp et Aveux.

 

A l'intérieur de la société villageoise, des partis se formaient selon les évènements du moment.

 

Les plus belles disputes, au XIXème siècle, avaient lieu lors des élections.

A Aveux, par exemple, il existaient deux groupes ennemis : celui du curé et celui contre le curé. Un soir sur deux, il y avait réunion à l'auberge qui se trouvait au hameau près du moulin. Un petit sentier le reliait au village et chaque nuit le clan adverse de celui qui tenait la réunion, postait un homme tous les quinze mètres environ. Lorsque les hommes étaient rentrés chez eux - les femmes étaient exclues de la politique - tout ce qui avait été dit, était enregistré...(1)

 

On s'en voulait aussi de village à village. Parfois, certains se laissaient aller à des actes criminels.

 

Le 30 août 1828, Michel Peyregua de Bramevaque, portait plainte auprès du maire, Pierre Cargue, car sa fille Marie âgée de 16 ans avait été agressée vers 7 heures du matin par Pierre-Jean P. de Gembrie, également âgé de 16 ans.

 

La jeune fille se rendait à Gembrie pour travailler dans un champ de vignes en hautains et de pommes de terre appartenant à son père. Son oncle Pierre Cargue, le maire de la commune, possédait aussi deux champs plantés de fruitiers et de pommes de terre et il avait bien recommandé à sa nièce que si elle y trouvait du bétail "étranger" en train d'y pâturer, elle devait l'en chasser. Une jument gardée par le jeune P. y paissait. Elle voulut la faire sortir. Pierre-Jean l'assomma, la jeta à terre et la blessa à plusieurs endroits avec "un instrument tranchant", lui brisant la malléole gauche, lui sectionnant tous les nerfs extérieurs du pied ainsi que la veine sciatique de la jambe gauche. Les autres coups n'étaient pas mortels mais elle resta handicapée. Le procès-verbal mentionne :" Il faut noter que le père de celui qui a commis le crime est passé devant la Cour d'Assises pour avoir tué sa soeur et la famille de la mère n'est pas mieux formée". (2)

 

Nous possédons trois témoignages de crimes ou de tentatives d'assassinat au XVIIIème siècle.

 

- Le 24 juin 1737, un prêtre habitant Ourde, dans une crise de folie subite, frappa le curé de la paroisse de onze ou douze coups de couteau alors qu'il s'habillait pour la bénédiction du brandon. Le carton du collet fit dévier la lame. Les consuls l'arrêtèrent et l'emmenèrent à Saint-Bertrand. On l'enferma dans une chambre, il n'en sortit que le 2 mai 1738, mort.

"On dit qu'il avait passé neuf ou dix semaines sans rien manger d'autre qu'une livre de pain et deux litres d'eau." (3)

 

- Le 4 mai 1765, un homme et une femme suspectés d'assassinat, étaient arrêtés pendant le Jubilé de Saint-Bertrand. Elle avait tué ses deux enfants et empoisonné son mari puis épousé l'homme qui lui avait fourni le poison. Ils se marièrent à Gembrie. Les autorités durent demander une dispense au Pape pour que le vicaire puisse témoigner car il les avait entendu en confession.

 

- Le 22 décembre 1770, Michel Castet dit d'Estienni de Gaudent, marié à Sacoué avec Jeanne A. dit de Libéré, partit vendre des pommes au marché de Saint-Bertrand. Le soir, à son retour, il se prit de querelle avec sa femme et son beau-père. Le lendemain, on le trouva mort. L'autopsie fut pratiquée par Gazaux et Ribes, chirurgiens à Mauléon, qui comptèrent "sept coups à la tête dont le plus petit était mortel, deux au visage et un grand nombre au bras".  Les coupables avaient pris la fuite en emmenant deux enfants et en abandonnant le troisième dans son berceau. La famille le recueillit. On supposa qu'ils s'étaient réfugiés en Espagne.

Ils furent exécutés en effigie le 1er mars 1774 devant la porte du cimetière. Plus personne n'habita cette maison qui tomba en ruine rapidement (4).

 

 

La mort était une compagne toujours présente et les vieilles personnes s'y préparaient avec soin. On donnait la maison et les biens à l'aîné et on attendait. Chaque famille possédait son linceul mais il n'existait qu'une seule bière pour toute la communauté jusqu'au 17ème siècle. On cousait le cadavre dans une étoffe blanche et on le déposait recouvert du linceul dans la bière. Au cimetière, on le sortait et on le jetait ainsi dans la fosse. On ramenait la bière à l'église pour le prochain. En 1632, il est mentionné que dans toutes les paroisses, il n'y en avait pas de commune, "chacun pouvant s'en faire une".

 

On était plutôt indifférent devant cet évènement considéré comme inévitable et quasi quotidien. Les curés ne chômaient pas....

 

Le 22 mai 1835, à Izaourt, des hommes découvrirent un cadavre dans l'Ourse à la digue dite de Monsieur Thèbe construite sur la limite avec Sarp. Il s'était noyé et les eaux en crue l'avaient porté jusque-là. On le tira sur la berge et on le laissa là jusqu'à ce que les gendarmes appelés le fassent transporter à la Mairie. Pendant ce temps, des bruits circulèrent : "c'est un tel de Troubat". Quelques heures plus tard, on apprit que celui auquel on pensait était bien vivant. On l'oublia.

 

Le 4 février 1836, un évènement sans précédent secoua tout le village d'Izaourt. Les gens quittaient l'église après la messe lorsqu'ils virent arriver Bernard Plassin, cultivateur, âgé de 21 ans, qui tout essoufflé, venait avertir le Maire qu'il avait découvert un homme mort derrière le cimetière. Tout le monde se porta sur les lieux. Sur le moment, personne ne le reconnut, puis un certain Dominique Sabatier, âgé de 38 ans, cultivateur, précisa qu'il s'agissait de son père. Toutes les personnes présentes confirmèrent cette déclaration. On décida de l'enterrer immédiatement, puis on réfléchit , qu'il "était peut-être "en faiblesse", on le déterra et on le porta chez lui. Vers les 3 heures de l'après-midi, un habitant se présenta chez le maire pour lui dire que le vieillard, âgé de 79 ans, était bien décédé lorsqu'on l'avait enterré la première fois. On l'inhuma alors avec les sacrements (5).

Cette histoire prouve bien qu'à n'importe quel moment une foule peut agir hystériquement et que rien, hormis la force, ne peut l'arrêter...

 

On n'éprouvait pas une grande douleur à la mort d'un parent quel qu'il soit car elle était omniprésente. On la savait lovée dans un creux de rocher, dans l'eau de la rivière, au détour d'un chemin détrempé par la pluie ou la neige, sous les sabots des animaux dans l'étable. On la savait partout, on l'acceptait et on n'en avait pas peur. Elle était la compagne de tous les jours et on s'obligeait à vivre avec elle.

 

Mais elle n'empêchait pas les baroussais de vivre, de chanter et de danser. Jean-François Soulet écrit que les pyrénéens sont "un petit peuple qui chante et qui danse" (6). Ils savaient aussi se grimer pour mieux exprimer ce qu'ils ressentaient, leurs émotions ou leurs colères.

 

A suivre

 

Jackie Mansas

30 juin 2017.

 

1 - M Bertrand Verdalle +, Aveux

2 - archives communales.

3 - notes d'après le manuscrit de noble Jean-Pierre de Noguiès disparu.

4 - idem

5 - archives communales d'Izaourt, registre d'état-civil

6 - J-F Soulet : La vie quotidienne dans les Pyrénées.

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