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Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Les caps bourrut des Pyrénées : rencontre avec les Baroussais d'autrefois

Actualités d'hier et d'aujourd'hui sur les Pyrénées Centrales, au travers de l'histoire d'une famille, celle d'un "pays", celui des Pyrénées. Le passé est omniprésent avec celui d'un petit peuple : la Barousse...


La Barousse : les dévastations du 19ème siècle 7

Publié par Jackie Mansas sur 22 Septembre 2017, 09:19am

Catégories : #Culture et société pyénéennes

http://www.france-voyage.com/photos/paysages-pyrenees-1
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La première moitié du 19ème siècle ne fut pas

particulièrement heureuse pour les Baroussais. 

 

La population trop nombreuse pour la superficie cultivable de la vallée ne pouvait comprendre autre chose que la violence pour faire accepter aux autorités ce qu'elle croyait être ses droits.

L'instruction n'était donnée que par un très petit nombre d'instituteurs que les communes devaient rémunérer et la plupart des élus ne voyait pas en quoi, lire et écrire donc comprendre, allait changer quelque chose au sort des habitants.

 

Les filles, sauf si les parents avaient quelque richesse, ne devaient pas à aller à l'école, cela ne leur servirait à rien pour être domestique ou mariée avec une flopée d'enfants...

C'est pour cela que l'on trouve dans le dernier quart du 19ème siècle, tant de femmes qui ne "savent signer". De toute façon, cela n'avait aucune importance, n'est-ce-pas, puisque selon le Code Civil de Napoléon, elles étaient totalement soumises à leurs pères en premier, puis à leurs maris et si elles se retrouvaient seules, ou si elles restaient célibataires pour ne pas avoir à partager le bien, elles restaient sous la tutelle de leur frère et/ou du chef de famille du moment !

Une vie d'esclave quoi.

Quant aux garçons, ils allaient à l'école un jour sur deux et parfois pas du tout d'avril à novembre car le travail à la ferme primait. Et il était très dur : imaginez un paysage entièrement cultivé même sur les terrains les plus rudes, loin des villages où il fallait mener les troupeaux... .

Ces parcelles se sont reboisées au fur et à mesure de leur abandon à partir du moment ou la population diminuant, elles n'ont plus eu de raison d'exister.

On les oublia vite parce qu'une question revenait sans arrêt : comment entretenir, cultiver ou faucher ces terrains si pentus mis en culture après brûlis menaçant pour la forêt toute proche ?

Rester en équilibre chaussés de sabots tandis que l'on maniait la faux était en général dangereux...

Un adulte, malgré sa petite taille : la moyenne générale étant de 1.59 m pour les hommes et 1. 45/49 m pour les femmes, malgré un physique formé pour marcher et travailler en montagne, à savoir des jambes musclées mais fines supportant un buste très développé aux muscles saillants, ne pouvait rester de longues heures à faucher sur ces pentes ou faner, nettoyer, bêcher.  

Par contre les garçons, parfaites répliques de leurs pères mais plus petits, arrivaient à tenir plus longtemps. Les gestes étaient moins larges et donc plus efficaces. Ils se fatiguaient moins. Enfin, c'est ce que l'on disait mais je ne pense pas qu'un gamin de 12 ans n'était pas épuisé au bout d'une heure de travail harassant !

Les plus petits ramassaient le foin, le fanaient puis montaient les andins. Ensuite les femmes et les filles, le tassaient dans des "bourrasses" qu'elles posaient sur leurs têtes et le descendaient jusqu'au chemin.

Bien sûr, tous récupéraient vite après une bonne nuit à condition de bien manger, mais vu que les portions étaient de plus en plus petites au fur et à mesure que la population augmentait et que les terres s'épuisaient...

De plus, quand la disette s'en mêlait... et quand de sinistres personnages à l'avidité plus qu' évidente décidaient de leur enlever - au nom de droits féodaux qui, en plus, avaient été abolis, on ne peut que le répéter, le 4 août 1789 - les bois et les forêts de tout temps biens communs : on peut comprendre, on comprend les révoltes !

 

Et bien entendu la réaction des pouvoirs publics et des tribunaux en particulier.

 

Si tous les enfants avaient pu aller à l'école apprendre à lire - pour tout simplement comprendre - les Baroussais n'auraient pas été spoliés. Ils auraient pu se défendre eux-mêmes et non pas dépendre d'un seul homme (et de sa dévouée clique) qui n'a su que servir les intérêts des "gros" dont il faisait partie.

Ils n'auraient pas tout perdu de leurs droits ancestraux et auraient su, je pense, les préserver pour que les forêts se régénèrent normalement et se développent pour le bien de tous. Je suis sincèrement convaincue qu'ils auraient su gérer son exploitation et toute exaction aurait été sévèrement sanctionnée.

Les dévastations, les amendes, les procès, les révoltes n'ont été que le résultat de l'ignorance de tout un peuple.

 

En 1839, la Cour d'Appel de Pau rendit le jugement suivant :  L'Etat et les héritiers de de Luscan se partageaient les forêts, les vacants revenaient aux communes.

A cause d'un tel partage, les forestiers régnaient en maître sur un immense territoire, s'attirant chaque jour un peu plus l'inimité des habitants. En Arize, le marquis de Pène de Villemur revendiquait les forêts dont jouissaient les habitants de Sacoué.

Et oui, ces nobles voulaient faire payer au peuple leur haine de la Révolution !

Le 8 mars 1847, le Tribunal de Bagnères rendait ses conclusions dans cette affaire : "La commune de Sacoué a le droit de dépaissance en tout temps et avec toute sorte de bétail, le droit de couper les arbres sur la montagne et les forêts de l'Arize, les maintient dans ces usages et condamne les adversaires à 2 000 francs de dommages-intérêts pour les avoir troublés en 1842 dans la jouissance de ces usages. Il leur est fait défense de plus les troubler à l'avenir et les condamne aux dépens".

Le marquis fera appel. Mais la commune de Sacoué continuera d'user et d'abuser de ses droits. Par contre, les autres villages de la vallée regardaient tous ces milliers hectares de forêts leur échapper et les paysans ne pouvaient comprendre les textes législatifs jugeant leur affaire :

" Aux termes de la loi du 10 juin 1793, la présomption légale de propriété des vacants en faveur des communes établie par l'article 9 de la loi du 28 août 1792, disparaît quand il s'agit du domaine de l'Etat et des biens qu'il possède à quelque titre que ce soit".

 

Et le jugement de 1839 donna bien de l'amertume dans les coeurs des montagnards :

 

"L'Etat justifiant d'une possession ancienne de plusieurs siècles, qui ne lui a jamais été contestée, des vacants de la Barousse et les communes ne possédant que des droits d'usage, la propriété doit donc être attribuée à l'Etat et aux héritiers de de Luscan doivent offrir aux communes de Lombrès, Bertren, Siradan qui les reconnaissaient comme seuls propriétaires, la jouissance des droits d'usage. Les terres vaines et vagues, landes, montagnes d'après l'article 1, section 4 de la loi du 10 juin 1793, appartiennent aux communes où elles sont situées. Ces communes ne pourront en revendiquer la propriété";

 

Parmi les biens litigieux, il y avait les terres vaines et vagues ou improductives, trop éloignées des forêts pour faire partie du sol forestier qui, de ce fait, revenaient aux communes. De plus, selon le Code Forestier :

- l'Etat peut s'affranchir des usages du bois et du pâturage par le cantonnement (A 63)

- l'usage de la dépaissance est reconnu comme rachetable et non cantonnable (A 64 ).

 

Le paysan était pénalisé de tous les côtés. Ce jugement fut accepté bon gré mal gré mais si l'on approfondit la question, on en remarque l'injustice : les terres riches sont attribuées à l'Etat et aux de Luscan, les terres pauvres aux habitants.

 

Pour atteindre les vacants, il fallait traverser les forêts avec les troupeaux en liberté qui se répandaient un peu partout et causaient des dégâts. Les gardes les surveillaient étroitement. La forêt domaniale est toujours interdite au parcours du bétail mais pour accéder aux cortaux d'Areng et du Montaspet, les troupeaux sont obligés de la traverser.

 

Cette forêt était en plus parsemée de clairières appartenant à des particuliers qui s'y rendaient souvent soit pour y mener des bêtes soit pour les entretenir. Sachant parfaitement qu'ils n'avaient pas le droit de ramasser la moindre brindille, ils continuaient de couper le bois et de le vendre. Les gardes exerçaient une surveillance constante. Les procès-verbaux pleuvaient et leurs montants obligeaient les paysans à parfois s'endetter pour ne pas voir leurs animaux saisis s'ils ne pouvaient payer.

 

Aussi en arrivait-on à un étrange climat de peur réciproque entre habitants et gardes. Ces derniers exagéraient peut-être mais en fait, le souvenir des événements passés les incitait à la prudence. La présence de l'armée pour les aider dans leurs tournées n'arrangeait pas la situation. Ils appliquaient la loi dans toute sa rigueur, pourchassant sans pitié les fraudeurs.

 

Ils avaient pourtant peur des violences que leurs actions pourraient déclencher. Lors des réunions, des veillées, on ne parlait que de jeter hors de la vallée ces forestiers honnis. Et quand la mayonnaise monte trop, elle peut déborder dangereusement !

 

En cette première moitié du siècle, la pauvreté voire la misère était grande. Dutrey et Plamajou à Mauléon, Vaqué à Anla, Sécail et Labardens à Bertren, de Sarrieu à Siradan Fréchou et de Méritens à Izaourt et quelques autres représentaient la classe sociale aisée, l'argent pour les autres était rare. La grande majorité des habitants était pauvre, vraiment très pauvre et la pauvreté, on le sait ne peut que mener les populations à la révolte et à la violence....

 

Le mécontentement devenu général, la situation se dégrada rapidement. Il y eut, au cours des siècles des échauffourées  en Barousse, mais jamais, même dans les moments les plus violents de leur histoire, les Baroussais ne se portèrent en masse pour piller et rançonner les riches. Cependant, en 1848, les contraintes et la misère étaient telles que n'importe quoi pouvait déclencher une révolte. Pour cette population habituée à vivre libre, de devoir céder à une force étrangère représentait une humiliation constante, une sorte d'avilissement. Et la rudesse de l'hiver 1847-1848 ajouta à la tension générale.

 

A suivre

Jackie Mansas

10 janvier 2017

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